Le PQ, parti dépossédé
Québec solidaire honore Yves Michaud après s’être revendiqué de Gérald Godin. Le gouvernement Legault fait de même avec Camille Laurin ; et remet 10 millions $ à la Fondation René-lévesque pour souligner les 100 ans de la naissance du fondateur du Parti Québécois.
Pour le PQ actuel, c’en est trop. Une opération d’« appropriation politique » est en cours, selon lui.
Jeudi dernier, Pascal Bérubé, en chambre, fustigeait Simon Jolinbarrette, leader parlementaire caquiste. Sa faute : avoir empêché les parlementaires de s’exprimer sur une motion honorant Laurin.
Ce faisant, la CAQ aurait « confisqué le droit » à la « famille politique » de Laurin de « lui rendre hommage, ne serait-ce que deux minutes. C’est inacceptable, et ça nous a beaucoup blessés ».
Bérubé pestait, sans notes, contre l’« appropriation politique » dont sa formation politique serait victime : « Sachez qu’à chaque fois que je devrai faire ces rappels, je le ferai, et certains s’en rendront compte à leurs dépens », lança-t-il, balançant entre menace et désespoir.
DÉPECÉ
On peut comprendre la colère du député de Matane, hyperactif ces temps-ci, justement parce qu’il sent la soupe chaude pour son parti qui ne cesse de défoncer les planchers d’appuis dans les sondages.
Les récents hommages – surtout ceux de la CAQ – se sont généralement déroulés en l’absence de représentant du PQ et ont presque toujours passé sous silence l’appartenance de Laurin au PQ et, surtout, son combat acharné pour l’indépendance. De nos jours, le « Dr Laurin » ne serait évidemment pas caquiste. Rappelons qu’il démissionna en 1984 avec Jacques Parizeau, entre autres pour protester contre la « mise sous le boisseau », par Lévesque, du projet souverainiste.
Au fond, le PQ de Paul St-pierre Plamondon se sent dépossédé, voire dépecé. Comme si des charognards s’arrachaient déjà, alors qu’il est encore vivant, certains de ses plus beaux morceaux.
Joint hier matin pour discuter du cas Michaud (grand militant du PQ et ami de Lévesque), Pascal Bérubé sembla partagé. La députée caquiste Ruba Ghazal a remis dimanche à l’homme vieillissant (il a 92 ans) la médaille de l’assemblée nationale.
« Je suis content qu’elle ait fait ça », a-t-il d’abord dit (mais semblant regretter de ne pas y avoir pensé luimême).
Puis il ajouta : « Mais pendant que Godin et Laurin militaient pour le Oui en 1980, la fondatrice de Québec solidaire [Françoise David], elle, militait avec En lutte pour le Non… au nom du “prolétariat pancanadien” ! »
Se sentir victime d’appropriation rend acrimonieux, évidemment. Difficile, voire impossible, pour les partis politiques, ces machines à revendiquer la paternité de telle ou telle idée, d’admettre que certains de leurs legs à la société font tellement consensus qu’ils en viennent à appartenir à tous.
Pour certains dans les « nouveaux partis », ce serait là un signe que le parti en question a fait son temps. Et les voilà qui citent René Lévesque luimême, lequel a déjà écrit que les partis « vieillissent généralement assez mal ». Même que dès leur naissance, ils devraient inclure dans leurs statuts « une clause prévoyant qu’il disparaîtra au bout d’un certain temps. Une génération ? Guère davantage ».
Rien pour apaiser les « dépossédés ».
Se sentir victime d’appropriation rend acrimonieux, évidemment.