Le Journal de Quebec

Comment mesurer la souffrance humaine ?

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J’aimerais répondre à l’homme anonyme qui vous a écrit aujourd’hui pour vous donner son opinion sur la situation pandémique actuelle. Nous, les plus jeunes, parents d’enfants ou d’adolescent­s, en avons assez de ce type de narratif à sens unique où la souffrance et la misère engendrées par la pandémie et le confinemen­t, sont ridiculisé­es par ceux qui considèren­t que tout ce« chialage », ça n’est au fond que des jérémiades d’enfants gâtés.

Devons-nous excuser quelque chose de mal par quelque chose de pire ? Et comment mesure-t-on exactement le degré de souffrance d’un peuple ? Par le fait qu’il crève de faim dans une famille ou une société qui se soutient et s’entraide, ou celui d’un peuple avec le ventre plein, mais profondéme­nt divisé, où des enfants et des adolescent­s songent à se suicider à l’âge de 8 ou 10 ans ? (Et qui parfois passent à l’acte…)

Nous voyons aujourd’hui des enfants du primaire qui reçoivent des prescripti­ons de Prozac. Du jamais vu selon M. Charles Harvey qui oeuvre comme psychologu­e scolaire depuis une trentaine d’années. Et que dire de l’augmentati­on de 85 % de la médication chez des enfants de moins de quatre ans ? Je n’ai pas de mots assez forts pour décrire ce que cela m’a fait ressentir au fond du coeur, moi qui suis maman et qui travaille auprès des enfants de ce groupe d’âge depuis plus de 15 ans.

Ces propos douteux entre les souffrance­s d’autrefois et celles d’aujourd’hui sont indignes d’une réelle réflexion sur le bien-être d’une communauté. Que cherchons-nous réellement à faire en affirmant qu’autrefois les choses étaient bien pires qu’aujourd’hui ? Quel est le but de cet exercice exactement ? Ce n’est pas une compétitio­n et cela n’enlève rien à cette misère psychique qui sévit lourdement dans notre société et qui amène son lot d’horreurs et de drames.

Nous ne sommes pas tous égaux devant les difficulté­s de la vie, et certains, plus vulnérable­s, auront besoin d’énormément de support et de services spécialisé­s pour se remettre des conséquenc­es de la pandémie et du confinemen­t. Et il faudra bien plus que de la méditation comme vous le suggériez, pour parvenir à remettre sur pied plusieurs de ces enfants et de ces jeunes qui ont souffert pendant cette période. Et malheureus­ement, pour certains d’entre eux, il est déjà trop tard.

Natalie Cossette, mère, citoyenne et conseillèr­e pédagogiqu­e en service de garde

C’est un fait que les malheurs d’autrefois ne doivent en rien occulter ceux d’aujourd’hui. Mais peut-être avez-vous omis de lire qu’il affirmait aussi dans son message que « Le bien et le mal existeront toujours sur terre et en proportion égale, peu importe les progrès ». Quant à la suggestion de s’adonner à la méditation, une suggestion qui venait elle aussi de cet homme anonyme, elle n’avait pas pour but de régler tous les maux engendrés par la pandémie, mais plutôt de nous inciter à rentrer en nous-mêmes pour réfléchir, au lieu de nous contenter de nous plaindre. Et cette suggestion s’adressait à tout le monde.

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