Cannes s’ouvre avec Zelensky
Le Festival a offert hier une tribune au président ukrainien, qui a évoqué l’esprit de Chaplin
CANNES | (AFP) « Il nous faut un nouveau Chaplin qui prouvera que le cinéma n’est pas muet » face à la guerre : le Festival de Cannes a donné d’emblée une tonalité politique à sa 75e édition en offrant une tribune, depuis Kyïv, au président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
L’apparition surprise du visage du président ukrainien, en treillis, sur l’écran du Palais des Festivals, a été suivie d’une longue ovation par le gratin du cinéma mondial, réuni pour la cérémonie d’ouverture d’un festival qui a promis que la guerre serait « dans tous les esprits ».
« Nous allons continuer de nous battre, nous n’avons pas d’autre choix [...] Je suis persuadé que le “dictateur” va perdre », a poursuivi Volodymyr Zelensky, en référence au président russe, Vladimir Poutine, et au film de Charlie Chaplin, qu’il a cité à plusieurs reprises.
Cette intervention écrit une nouvelle page dans la longue histoire politique du Festival, fondé en 1939 pour s’opposer à la Mostra de Venise de l’italie fasciste, mais dont la première édition, guerre mondiale oblige, n’a pu se tenir qu’en 1946.
« ARME D’ÉMOTION MASSIVE »
« Le Festival n’a cessé d’accueillir, de protéger et de réunir les plus grands cinéastes de leur temps », a souligné auparavant le président du jury, Vincent Lindon, rappelant la « ligne artistique et citoyenne » de cet événement mondial. « Pouvons-nous faire autre chose qu’utiliser le cinéma, cette arme d’émotion massive, pour réveiller les consciences et bousculer les indifférences ? Je ne l’imagine pas ! » a-t-il lancé.
Outre le bannissement des délégations officielles russes, annoncé après l’invasion, la sélection officielle porte elle aussi cette année l’ombre de la guerre.
À commencer par le film qui ouvrira la compétition demain, La femme de Tchaïkovski, du dissident russe Kirill Serebrennikov. Voir ce cinéaste, sélectionné à trois reprises, pour la première fois les marches sera un symbole fort.
Malgré le contexte, à Cannes, « the show must go on » : les acteurs Julianne Moore, qui joue dans le premier film de réalisateur de Jesse Eisenberg (The Social Network) et Forest Whitaker ont assuré le quota de glamour, ce dernier recevant une Palme d’or d’honneur pour sa carrière.
COUPEZ !
À 60 ans, l’acteur à la carrière marquée par un Oscar pour son interprétation d’amin Dada, le dictateur ougandais, dans Le dernier roi d’écosse (2007), ou son rôle de tueur chez Jim Jarmusch dans Ghost Dog (1999), est un habitué de la Croisette, où il a obtenu un prix d’interprétation en 1988 pour Bird de Clint Eastwood.
Ce prix « a changé ma vie, ça m’a permis d’être reconnu comme artiste et d’être respecté comme acteur tout autour du monde », a-t-il déclaré.
L’ambiance a ensuite changé radicalement, avec la projection en ouverture de Coupez !, de Michel Hazanavicius, une parodie déjantée de films de zombies et une déclaration d’amour à tous les films – même les plus ratés.
Des éclats de rire timides, puis de vrais fous rires incontrôlables ont ponctué la projection. La salle a même offert quelques applaudissements aux meilleurs moments, et une ovation debout à la fin.
Le film, sorti simultanément dans les salles françaises, doit faire office d’exutoire pour un monde du cinéma qui tente de se remettre de la pandémie : Coupez ! « est joyeux, il met en valeur les gens du cinéma, et j’espère qu’il donne envie d’en faire », a déclaré le réalisateur.