Le Journal de Quebec

Les«règles»de la guerre

- RICHARD MARTINEAU

Donc, un jeune soldat russe a été condamné à la prison à perpétuité pour avoir commis un crime de guerre, c’est-àdire avoir délibéréme­nt tiré sur un civil.

Ce soldat « a violé les lois et coutumes de la guerre », a dit le juge.

ET HIROSHIMA ?

Je ne veux pas excuser, justifier ou banaliser les exactions que ce soldat russe (et tous ses camarades d’armes) ont commises et continuent de commettre en Ukraine.

Je me pose seulement une question d’ordre philosophi­que…

Si tirer sur un citoyen est un crime de guerre passible de la prison à perpétuité, comment appelle-t-on ce qui s’est passé à Hiroshima et à Nagasaki ?

Les États-unis ont rasé deux villes remplies de civils.

On parle — au bas mot — de 250 000 morts.

Sans compter les autres qui sont décédés des suites d’un cancer causé par les radiations.

Si ce n’est pas un crime de guerre, je ne sais pas ce que c’est.

« L’histoire est écrite par les vainqueurs », dit l’adage. On ne peut trouver meilleur exemple.

Comme l’écrivait Albert Camus dans le journal Combat le 8 août 1945 :

« Grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d’informatio­n viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique, on nous apprend au milieu d’une foule de commentair­es enthousias­tes que n’importe quelle ville d’importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d’un ballon de football.

« Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertati­ons élégantes sur l’avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquenc­es politiques et même le caractère indépendan­t de la bombe atomique.

« Nous nous résumerons en une phrase : la civilisati­on mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »

TUER « PROPREMENT »

Et que dire du bombardeme­nt intensif de la ville de Dresde, qui a fait (selon les estimation­s) 130 000 morts ?

N’est-ce pas, aussi, un crime de guerre ?

Selon les estimation­s les plus conservatr­ices, entre 44 et 50 millions de civils ont été tués pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Les civils comptent pour 58 % des personnes tuées pendant ce conflit.

Et 30 millions d’européens ont dû être déplacés à la cause des changement­s de frontières.

Voilà pourquoi je ressens toujours un malaise lorsque j’entends parler des « règles et des lois de la guerre ». Comme si c’était un jeu ! Comme si la guerre n’était pas, déjà, un acte qui défiait toute morale, un acte qui se situait au-delà et en deçà des lois !

Pensez à ça deux minutes : il y a « une façon » de déclarer la guerre à un autre pays !

Il faut « respecter » la règle !

Faire les choses « proprement » ! Dans le « respect des convention­s internatio­nales » !

S’engager à ne tuer que les « bonnes » personnes, c’est-à-dire celles qui portent un uniforme!

Comme si des bombes lâchées du haut d’un avion ou des missiles tirés à des milliers de kilomètres de la cible pouvaient faire la différence.

Quelle funeste blague…

UN CRIME

L’idée d’une guerre « acceptable » est aussi absurde que celle d’une frappe « chirurgica­le ».

Et si la guerre dans son concept même était… un crime ?

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richard.martineau @quebecorme­dia.com

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