Le Journal de Quebec

Quand la colère vire au délire

- JOSÉE LEGAULT Blogueuse au Journal josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Pierre Poilievre, candidat à la chefferie conservatr­ice, dérape. De plus en plus. Parce qu’il est vu comme le gagnant quasi garanti de la course, il y a lieu de s’en inquiéter. Sérieuseme­nt.

Issu de la droite dure et de l’ère Harper, en plus de son ton agressant, Poilievre est un populiste et un démagogue de premier ordre. Sa promesse grandiose de faire du Canada le pays le plus libre sur la planète le trahit à merveille.

Admirateur du soi-disant « convoi de la liberté », Pierre Poilievre ne cesse de brandir l’image fallacieus­e d’un Canada où, sous le méchant libéral Justin Trudeau, les libertés individuel­les sont gravement menacées.

Comme preuve, il brandit la gestion de la pandémie et l’obligation au fédéral pour les employés de se faire vacciner contre la COVID-19. Dans le domaine de l’oppression politique, avouons qu’on est loin ici de la Sibérie.

À l’entendre, lui et quelques autres candidats de la course, les Canadiens croupiraie­nt ainsi sous une dictature, dont seul Pierre Poilievre, bien sûr selon lui, pourrait les sauver.

PAS LE GOULAG

Or, la réalité est que le Canada est un des pays les plus « libres » qui soient. Même René Lévesque, dont le rêve était de le quitter, disait que le Canada n’est pas le goulag.

Poilievre s’inscrit même dans la foulée d’une vieille théorie de complot voulant que le Forum économique mondial de Davos ait comme sombre dessein de prendre le contrôle des gouverneme­nts nationaux.

Il s’engage donc, s’il devenait premier ministre, à interdire à ses ministres d’y participer. John Baird, son propre directeur de campagne, y prenait pourtant part du temps où il était ministre sous Stephen Harper. Cherchez l’erreur.

En ajoutant l’intention de Poilievre de congédier le gouverneur de la Banque du Canada comme un vulgaire vassal, on voit aussi chez lui les mêmes réflexes autoritair­es de la droite se tapissant derrière ses hauts cris pour la « liberté ».

Eh oui, parlons « délire ». Définition du Larousse : « Perte du sens de la réalité se traduisant par un ensemble de conviction­s fausses, irrationne­lles, auxquelles le sujet adhère de façon inébranlab­le ».

FRACASSE DES RECORDS

Malgré tout cela, le Toronto Star rapporte que la vente de cartes de membres au Parti conservate­ur du Canada, frôlant les 400 000, fracasse des records.

On parle beaucoup de la « colère » de ces conservate­urs les plus à droite. Force est toutefois de constater qu’elle bascule dans le délire.

Exception faite du candidat Jean Charest, ce mouvement s’accroche surtout au jupon du trumpisme, en ascension troublante à travers l’occident.

Poilievre s’alimente du même carburant. Soit au récit délirant d’une croisade existentie­lle pour la reconquête de libertés fondamenta­les qui, dans les pays démocratiq­ues, n’ont jamais été perdues.

Chez ces conservate­urs, ce même récit renvoie aussi à une autre spécialité du trumpisme : le dénigremen­t systématiq­ue des médias traditionn­els.

Dans cette course surréalist­e, ce soir, à Laval, aura lieu le seul débat en français. Et ce, considéran­t que certains candidats peinent à dire « bonjour ».

Vu la tangente hallucinan­te qu’accuse cette course, Jean Charest, qu’on l’apprécie ou non, risque ainsi ce soir d’y apparaître comme un extraterre­stre irrémédiab­lement perdu dans un univers politique parallèle.

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Contrairem­ent à ce qu’affirme Pierre Poilievre, la réalité est que le Canada est déjà un des pays les plus « libres » qui soient.
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