Une nomination qui « crée un malaise »
Jolin-barrette a recommandé un ami pour siéger comme juge à la chambre criminelle de la Cour du Québec
Le ministre de la Justice Simon Jolin-barrette a été « très imprudent » en nommant un ami comme juge, selon les partis d’opposition, mais François Legault assure qu’il n’y a pas eu de conflit d’intérêts.
« Ça crée un malaise sérieux. Quand on procède à la nomination d’un juge, il faut que ça donne l’image que c’est au-dessus de tout soupçon, c’est exactement ce que le ministre a raté ici », a affirmé le député libéral André Albert Morin.
Hier matin, Le Soleil révélait que Simon Jolin-barrette a recommandé la nomination de Charles-olivier Gosselin, 36 ans, un ami de longue date dont il a d’ailleurs célébré le mariage, comme juge à la chambre criminelle de la Cour du Québec.
M. Gosselin est l’avocat qui a porté en Cour suprême le dossier d’alexandre Bissonnette, le tueur de la Mosquée de Québec, plaidant que les peines consécutives pour les meurtres multiples étaient inconstitutionnelles.
Au bout du processus, le plus haut tribunal au pays a invalidé la disposition du Code criminel qui permettait d’imposer des peines de plus de 25 ans d’incarcération.
ENQUÊTE DEMANDÉE
En fin d’après-midi hier, les libéraux ont adressé une lettre à la commissaire à l’éthique, Ariane Mignolet, pour lui demander d’enquêter à ce sujet afin de déterminer s’il y a eu un conflit d’intérêts dans cette affaire.
À Sherbrooke, François Legault a défendu la décision de M. Jolin-barrette, en rappelant le processus au terme duquel un juge est nommé.
« Avant, il y avait un post-it et puis on disait : “cette personne-là est partisane de tel parti donc on devrait la nommer”. Ça ne marche plus de même, il y a un comité indépendant qui fait l’analyse. Et là, il y a un maximum de trois noms qui est soumis », a dit le premier ministre en mêlée de presse hier.
Après avoir reçu les recommandations du comité indépendant, le ministre de la Justice doit faire un choix et le soumettre au conseil des ministres.
« A-T-IL ÉTÉ TRANSPARENT ? »
Pour le chef péquiste Paul St-pierre Plamondon, c’est là le noeud de l’affaire.
« A-t-il été transparent ? A-til divulgué à ses collègues son apparence de conflit d’intérêts lorsqu’il a recommandé cette candidature-là ? » s’est-il interrogé en entrevue avec l’agence QMI.
Quand des journalistes lui ont posé cette question, François Legault a affirmé qu’il avait appris que le juge Gosselin était l’ami de Simon Jolin-barrette dans le journal.
« Il y a chaque semaine beaucoup de nominations qui sont adoptées par le conseil des ministres, et la seule question que je pose, c’est “Est-ce que les règles ont été suivies ?” », a-t-il ajouté, en précisant qu’il ne pense pas qu’il soit nécessaire de modifier le processus en place.
« UN PETIT MONDE »
Selon le professeur de droit Patrick Taillon, Simon Jolin-barrette s’est trouvé dans la « situation bizarre » où se retrouvent souvent les ministres de la Justice, du simple fait que la communauté juridique est « un petit monde ».
« Le système n’est pas bien fait, pour que quelqu’ un puisse dire : je ne veux pas priver quelqu’un qui le mérite, juste parce que je le connais. Mais en même temps, si je le nomme, je vais être dans l’eau chaude », a-t-il dit.