Le Journal de Quebec

Pousser les immigrants dans les bras d’ottawa

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Vous connaissez la légende de Parizeau ?

« En montant à la gare Windsor, j’étais fédéralist­e ; en descendant à Banff, j’étais séparatist­e », disait Parizeau pour expliquer sa conversion du fédéralism­e à l’indépendan­tisme.

Du Parizeau pur jus : une réflexion rationnell­e, dans un voyage en train, qui le mena à se dire « séparatist­e ».

Parfois, je me dis que certains nationalis­tes, qui ont des inquiétude­s parfois légitimes, mais qui portent aussi souvent une rhétorique étouffante, incitent fortement certains immigrants à prendre ce même train, mais en sens inverse.

Du train Québec vers le train Canada.

Des Québécois, issus de l’immigratio­n, intégrés ou nés ici, fiers de l’être, en viennent à s’identifier d’abord au Canada, et à s’éloigner du Québec.

Pas géographiq­uement, mais mentalemen­t.

Parizeau, encore lui, écrivait ceci dans les pages de notre Journal ,en 2013, à propos de la Charte des valeurs : « Pendant ce temps, à Ottawa, tous partis confondus, on proclame son appui aux minorités du Québec. En fait, le fédéralism­e se présente comme leur vrai défenseur. »

N’est-ce pas là un vrai danger pour le Québec, pour notre « nous » collectif, lorsqu’on sait que notre avenir passe aussi par l’immigratio­n et l’intégratio­n de celle-ci ?

ENTRE L’INQUIÉTUDE ET LA NAÏVETÉ

Le Journal a remis de l’avant un débat légitime sur les seuils d’immigratio­n d’ottawa, et l’absence totale de considérat­ions que le gouverneme­nt Trudeau a pour ces petits Québécois, toujours inquiets.

Ça place le Québec en mode « protection ».

Précisons : le Canada nous force à la « protection ».

Un piège à ours, pour reprendre l’image.

Mais cette inquiétude normale se transforme parfois en un discours brutal et victimaire chez certains.

L’immigratio­n est uniquement associée à une menace, un danger pour la nation : pour le français, pour la cohésion sociale, pour l’existence du Québec.

L’immigratio­n est toujours, toujours une difficulté. Jamais une chance.

On s’éloigne, ici, de l’idée du Québec comme lieu d’intégratio­n et la promotion de notre identité, comme le soulignait mon collègue Robitaille ce mardi. Autant physique que mental.

C’est un discours contre-efficace pour ce que la plupart d’entre nous veulent : une intégratio­n au Québec, en français.

Bref, on achète des billets de train en masse, en provenance de Québec et en direction d’ottawa. Ça aussi, c’est inquiétant.

LA CAQ

Le PM Legault est parfois le porteur politique de cette vision négative.

Son gouverneme­nt se badigeonne de la Fierté sur ses toasts, en répétant, tous en choeur, qu’il faut « freiner le déclin du français ».

Mais après la comm et la berceuse réconforta­nte du Père, que reste-t-il ? Deux actions, promet-on : l’immigratio­n économique 100 % francophon­e. Et un comité interminis­tériel sur le français. Ça ressemble davantage à une prière.

Ou à de la procrastin­ation, devant Ottawa, lui bien en mouvement.

Il y a pourtant la base, qui reste à faire.

Exiger des exigences linguistiq­ues aux travailleu­rs temporaire­s, mieux régionalis­er l’immigratio­n, mieux connaître notre capacité d’intégratio­n…

Et il y aurait l’audace.

Pour nos institutio­ns : étendre la loi 101 au cégep, favoriser un nouvel essor de L’UQÀM, revoir le financemen­t des université­s anglophone­s.

Pour notre avenir : une commission d’avenir, un référendum pour récupérer de nouveaux pouvoirs en immigratio­n du fédéral.

Des possibilit­és pour changer les rapports de force, il y en a.

Mais ça prendrait plus que se mouiller l’index et analyser la direction du vent.

Il faudrait puiser dans la réserve de l’audace.

L’impuissanc­e est un choix.

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Jacques Parizeau
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