Legault est pris au piège
La publication du dossier sur le Canada à 100 millions d’habitants a ébranlé le gouvernement Legault, qui ne sait plus sur quel pied danser quant aux mesures à prendre sur l’immigration. Le plan présenté incessamment par la ministre Christine Fréchette ne fixera pas un nouveau seuil d’immigration, mais présentera deux à trois scénarios qui seront soumis en consultation.
François Legault n’en est pas à un revirement près. Le chef caquiste avait bombé le torse et réclamé du fédéral les pleins pouvoirs en immigration il y a un an, évoquant les risques que le Québec devienne une « Louisiane ».
Par la suite, en campagne électorale, il avait justifié son silence sur cette « question de survie pour la nation » en disant que « c’est délicat de parler d’immigration ».
Quelques jours plus tard, il affirmait que ce serait « suicidaire » pour le Québec d’accueillir plus de 50 000 immigrants par an.
Depuis, son équipe jongle avec l’idée de hausser les seuils d’immigration tout en adoptant des mesures pour augmenter la proportion maîtrisant le français.
Le dévoilement du plan de la ministre de l’immigration doit être un moment fort de ce deuxième mandat caquiste, puisqu’il s’agira de la vision d’avenir du parti sur cet enjeu déterminant.
Les discussions à l’interne sont corsées.
Il y a une dizaine de jours, le bureau de la ministre Fréchette a affirmé qu’il n’était pas question de créer des exigences en français à l’admission pour les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers.
François Legault a été secoué par le portrait brossé samedi dernier dans
Le Journal, démontrant l’impact pour le Québec de la hausse d’immigration planifiée au Canada.
Puis, avec 300 000 immigrants temporaires au Québec, la seule question du seuil annuel de permanents ne suffit plus dans la résolution du casse-tête.
Il a donc lâché mardi qu’il envisageait des mesures pour agir aussi sur l’immigration temporaire. Ce qui a forcé la ministre Fréchette à revoir son plan.
AGIR LORSQU’ILS SONT ICI ?
Un scénario circule dans les officines : exiger un niveau de connaissance en français aux travailleurs temporaires qui sont déjà au Québec, lorsqu’ils effectuent leur demande de renouvellement, après deux ou trois ans selon les secteurs de travail.
Ainsi, au lieu de risquer que des infirmières de l’étranger préfèrent ne pas venir au Québec en raison d’exigences de français à l’entrée, on agirait lorsqu’elles sont déjà sur le territoire et installées.
Cibler des travailleurs déjà chez nous ne créerait pas une pression supplémentaire sur les besoins de logement.
Quant au seuil annuel, même si la CAQ s’était engagée à le maintenir
à 50 000, la ministre présentera deux à trois scénarios différents qui seront l’objet d’une consultation à la fin de l’été.
Ensuite, les seuils des trois prochaines années seront fixés.
ENTRE L’ARBRE ET L’ÉCORCE
Pendant ce temps, François Legault joue à l’équilibriste.
Il ne peut nier la menace tant sur l’avenir de la nation francophone, que sur le poids politique du Québec.
Mais il évite maintenant les formules choc, pour ne pas donner des munitions au PQ, trop content de brandir la souveraineté comme alternative à un Québec condamné au déclin dans un Canada gonflé.
« Le Québec va prendre des mesures, à court terme, pour arrêter le déclin du français [...] Donc, dans ce sens-là, moi, je suis convaincu qu’on va y arriver, on ne peut pas parler d’une disparition du français », a-t-il dit, mardi.
Tout un changement de cap pour celui qui parlait de louisianisation.
François Legault évite maintenant les formules choc, pour ne pas donner des munitions au PQ trop content de brandir la souveraineté comme alternative à un Québec condamné au déclin dans un Canada gonflé.