Le Journal de Quebec

Les Québécois ne s’aiment plus

- denise.bombardier@quebecorme­dia.com

Mais se sont-ils jamais aimés ? Il faut avoir eu vingt ans au moment de la Révolution tranquille pour répondre à cette question.

Portés par l’espoir et le sentiment collectif de nous libérer de la domination qu’exerçait alors l’église toute puissante sur la société, nous croyions, nous, la génération lyrique des bébés boomers, que nos aînés nous aimaient. Et nous nous aimions les uns les autres.

Ce moment n’a pas duré. La politique nous a de nouveau déchirés. Avec une violence plus ou moins contenue, certes, mais qui nous a blessés au coeur. On nous a aussi plongés intellectu­ellement dans une nouvelle noirceur, mais cette fois-ci on ne pouvait plus accuser le clergé puisqu’on l’avait privé de son pouvoir historique.

Je me souviens d’avoir interviewé à la télévision le cardinal Paul-émile Léger, archevêque de Montréal. « Pourquoi n’avez-vous pas résisté en vous battant contre le gouverneme­nt du Québec, qui vous a retiré le contrôle de l’éducation ? », ai-je dit. « Parce que je ne souhaitais pas voir couler le sang dans les rues de Montréal », m’a-t-il répondu avec la théâtralit­é qui était la sienne. Mais il était sincère.

SOLIDARITÉ

Nous étions devenus Québécois et citoyens du monde. Solidaires des luttes de la jeunesse occidental­e en faveur de notre libération nationale et contre la guerre américaine au Vietnam.

Or, des décennies plus tard, l’affirmatio­n de notre québécitud­e nous place dans le camp des fascistes selon l’idéologie actuelle d’une gauche impitoyabl­e et donneuse de leçons. Cela rappelle pour les plus âgés l’intoléranc­e et l’étouffemen­t du catéchisme marxiste-léniniste-maoïste.

Le mot « québécois » est devenu lourd de toxicités diverses. Si bien qu’on hésite à se prénommer. On est loin du temps où l’on s’insultait entre fédéralist­es et séparatist­es.

Aujourd’hui, en se désignant québécois, on se fait taxer de tous les mots suffixés avec -phobe. Auxquels s’ajoutent souvent d’autres termes comme raciste, nazi, antifémini­ste et extrémiste de droite.

IGNORANCE

L’ignorance de l’histoire est une barrière qui nous empêche de discuter. Elle nous transforme en pugilistes. Les vrais débats intellectu­els sont relégués dans les greniers du passé. Se haïr est de mise. C’est la raison pour laquelle tant de gens préfèrent s’en tenir à leurs écrans plutôt qu’à la réalité des rencontres face à face.

Ne m’accusez pas de vous déprimer par mes constats. Mais j’avoue que je suis obsédée par l’absence de lucidité généralisé­e. Nous avons tendance à croire que cette absence est une manière de nous protéger contre les malheurs de l’époque. À moins de nous enfermer au fin fond des bois et vivre en ermite.

Une plongée dans les rues de Montréal ou une sortie en voiture sur les autoroutes devient un défi. La rage au volant, des gestes agressifs sur des trottoirs encombrés et les rues transformé­es en chantiers de constructi­on souvent vides d’ouvriers n’arrangent rien à l’affaire. Est-ce que la pandémie et le confinemen­t qui nous ont éloignés les uns des autres y sont pour quelque chose ? Certes.

Mais l’agressivit­é nous guette à tous les coins de rue. N’importe qui peut devenir un adversaire. Il ne nous reste que le plaisir de sourire à un enfant dans sa poussette ou de retenir la porte pour quelqu’un qui nous suit. Cela au moins nous rappelle que les relations humaines sont la vraie source du plaisir à vivre en société.

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 ?? ?? Que le sourire triomphe
Que le sourire triomphe

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