Le Journal de Quebec

LA MUSIQUE, « PETIT REFUGE » DU VÉTÉRAN ROLAND BOUTO

- Chroniqueu­se politique karine.gagnon@quebecorme­dia.com

À 93 ans, Roland Boutot, vétéran de la guerre de Corée et « violoneux » pour reprendre son expression, compose toujours et interprète toujours de la musique, son « petit refuge » contre la vieillesse et l’ennui.

« À mon âge, j’en ai besoin, de ce petit refuge », lance-t-il en posant pour le photograph­e du Journal avec son instrument.

À la résidence Paul-triquet où il habite, destinée aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, ce nonagénair­e particuliè­rement attachant a aménagé une chambre qui ressemble à un petit musée.

Au mur, il a suspendu son violon, son « instrument favori ». Il y a aussi une guitare, et tout le matériel pour enregistre­r ses compositio­ns quand il se sent inspiré.

Dans un coin trône un grand portrait de son épouse, toujours aussi belle, souligne-t-il.

De l’autre côté se trouvent des médailles militaires et des drapeaux des pays qui ont participé, comme le Canada, à la guerre de Corée.

Fidèle lecteur du Journal de Québec,

Roland Boutot m’a écrit, cet hiver, un courriel pour me suggérer une rencontre avec lui dans le cadre de mes grandes entrevues.

Intriguée, j’ai fait un peu de recherches pour constater que ce vétéran était souvent intervenu dans les médias pour rendre hommage à ses confrères disparus à la guerre.

Par miracle, cet ex-caporal s’en est sorti après s’être pris trois balles à la hanche, en 1951.

Encore aujourd’hui, il en conserve des séquelles. Mais rien qui ait pu altérer sa mémoire phénoménal­e, tout comme l’agilité de ses doigts, qui peuvent encore manier l’instrument avec habileté.

HOMMAGE AU FOLKLORE

Roland Boutot a joué du violon pour la première fois à l’âge de sept ans.

Né à Sully, dans le Témiscouat­a, il a déménagé à Montréal dès l’âge de 18 ans. Son instrument l’a suivi, et l’a amené à jouer dans plusieurs clubs de la métropole.

« Je ne suis pas un grand musicien, dit-il, mais je le fais avec mon coeur et parce que je veux que ma musique soit comprise par le monde, et qu’on n’oublie pas notre folklore […] Je suis un vieux de la gang, et j’aimerais que les jeunes embarquent pour faire en sorte qu’on n’oublie pas la musique de nos ancêtres. »

Sur son ordinateur et grâce à internet, M. Boutot découvre la musique actuelle, mais il garde sa préférence pour les valses et les reels folkloriqu­es.

« Des fois, je me lève le matin et j’ai une chanson en tête. Alors je la joue et j’enregistre. J’ai le temps voulu pour ça ici », raconte-t-il avec le sourire.

MUSIQUE SALVATRICE

De son propre aveu, la musique lui a un peu sauvé la vie, et continue de le garder en vie. « Surtout l’automne, quand ça devient ennuyant, souligne-t-il, je me mets à composer. »

Puis, chaque année, à l’occasion d’une cérémonie pour le jour du Souvenir à la Maison Paul-triquet, le violoniste sort son instrument et joue en hommage aux défunts tombés au combat.

Sa musique a aussi mené Roland Boutot à enregistre­r deux albums, avec ses cinq fils.

« Ma femme et moi on s’est dit, quand nos garçons étaient jeunes, qu’il fallait les habituer à quelque chose. Ç’a été la musique, et ç’a été bon. Aujourd’hui, ils aiment encore ça. »

Son épouse chantait et la musique prenait beaucoup de place dans la maisonnée, se souvient-il.

La famille a fait plusieurs tournées de spectacles ailleurs au Québec et dans les Maritimes. M. Boutot s’est rendu jusqu’à Saint Brieux, en Saskatchew­an, pour interpréte­r ses pièces à l’occasion d’une fête pour les francophon­es.

TOUS LES JOURS

Depuis plusieurs années, un peu comme dans l’armée dit-il, Roland Boutot a pris l’habitude de réserver un moment à sa musique chaque jour.

« Ça me tient tranquille dans ma tête. Et puis là, je m’attends à rester en vie au moins jusqu’à mes 100 ans. »

J’ai promis à M. Boutot de revenir le voir pour cette occasion. Gageons qu’il composera encore ses chansons au violon.

 ?? PHOTO STEVENS LEBLANC ?? Roland Boutot demeure à la résidence Paul-triquet, à Québec, où il a aménagé une chambre qui ressemble à un petit musée.
PHOTO STEVENS LEBLANC Roland Boutot demeure à la résidence Paul-triquet, à Québec, où il a aménagé une chambre qui ressemble à un petit musée.
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