340 000 quarts de travail aux agences privées
Elles empochent encore des millions de dollars chaque mois en contrats
Les agences privées ont obtenu plus de 340 000 quarts de travail dans les établissements de santé des régions de Montréal et de Québec entre avril et décembre 2023, un rythme effréné qui remet en doute l’objectif du gouvernement de les bannir d’ici octobre prochain.
Dès le 20 octobre prochain, les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) de Montréal, Laval, Montérégie et de la Capitale-nationale ne pourront plus du tout faire appel aux agences privées, avait annoncé le ministre de la Santé, Christian Dubé, il y a un an.
Malgré cet ultimatum, les établissements continuent d’être dépendants de la maind’oeuvre indépendante (MOI) pour faire rouler le réseau, comme le montrent les données obtenues par Le Journal d’avril à décembre dernier grâce à la loi sur l’accès à l’information.
ENCORE BEAUCOUP DE QUARTS
Au total, au moins 343 670 quarts de travail ont été octroyés à des agences privées pour embaucher des infirmières, infirmières auxiliaires ou préposés aux bénéficiaires. En décembre seulement, 38 463 quarts ont été payés au privé. Ces chiffres ne sont même pas complets, puisque des établissements n’ont pas répondu à notre demande.
Fait inquiétant : le nombre de quarts de travail n’a pas diminué dans plusieurs CISSS à la fin de l’année 2023, ce qui laisse difficilement entrevoir la fin du privé. En Montérégie-ouest, 13 166 quarts de travail ont été octroyés en MOI seulement en décembre dernier, un record depuis avril.
« Ça va être un défi énorme. Il va falloir prendre des grands moyens, recruter du monde, avoue Régis Blais, professeur spécialisé dans les politiques de santé à l’école de santé publique de l’université de Montréal. Est-ce qu’ils vont réussir ? Ça va être très difficile, je ne crois pas que ça va arriver. »
« On croit qu’abolir les agences, c’est un bon pas. Est-ce que ça peut se faire d’ici octobre ? J’ai mes réserves », avoue aussi Xavier Gauvreau, vice-président des Médecins québécois pour le régime public (MQRP).
La facture totale pour les agences privées a atteint 227 383 757 $ durant cette période. Encore une fois, ce chiffre est partiel.
« RENVERSER L’HÉMORRAGIE »
Le syndicat FSSS-CSN a récemment entériné une entente avec le gouvernement pour reconnaître jusqu’à cinq ans d’ancienneté aux employés du privé qui reviennent au public. Le plus gros syndicat d’infirmières (FIQ) n’a pas encore conclu d’entente. La FIQ a d’ailleurs refusé d’accorder une entrevue au Journal au sujet de la MOI.
Organisation du travail, reconnaissance de l’ancienneté, bonification des salaires : le gouvernement devra faire preuve d’imagination et de souplesse, ajoute M. Blais.
« Il faut ajouter des conditions qui vont attirer des gens [du privé], pour en attirer de plus en plus et renverser l’hémorragie », dit-il.
OBJECTIFS PROGRESSIFS
Questionné à ce sujet, le CISSS de la Montérégie-ouest dit avoir des objectifs progressifs de réduction de la MOI d’ici octobre prochain, notamment une baisse de 60 % pour les préposés aux bénéficiaires et 30 % pour les infirmières d’ici le 5 mai.
« Tous les gestionnaires de notre établissement sont mobilisés afin d’approcher individuellement des employés d’agence afin de sonder leur intérêt pour un poste dans le réseau de la santé et des services sociaux », écrit la direction des communications.
À Montréal, le Centre hospitalier de l’université de Montréal, l’hôpital Sainte-justine et l’institut de psychiatrie légale Philippe-pinel répondent ne pas avoir recours aux agences privées.