Le Journal de Quebec

La mort de Navalny : semer la zizanie autour de Poutine

- Normand Lester normand.lester@quebecorme­dia.com

Les partisans de Alexeï Navalny affirment que Poutine a fait tuer son opposant pour empêcher qu’il soit échangé contre deux ressortiss­ants américains et Vadim Krasikov, un tueur du FSB qui purge une peine à perpétuité en Allemagne pour l’assassinat d’un séparatist­e tchétchène à Berlin.

La veuve de Navalny a promis que son équipe dirait bientôt au monde « pourquoi exactement Poutine a tué Alexeï ». J’ai hâte de savoir. Pour l’instant, l’affaire me paraît bizarre. Poutine pouvait le faire tuer sans que cela soit relié à un échange de prisonnier­s.

On sait qu’il y a eu des « discussion­s » sur un échange avec Navalny, mais à quel niveau et avec qui ? Poutine aurait-il accepté de laisser Navalny quitter la Russie ? J’en doute. D’ailleurs, Poutine était-il au courant ?

QUI NÉGOCIE QUOI AVEC QUI ?

Ce qui est sûr, c’est que des négociatio­ns étaient en cours sur un éventuel échange de prisonnier­s entre la Russie et l’occident. Les journaux allemands

Bild et Zeit ont rapporté que Berlin avait discuté de l’échange de Navalny contre Krasikov. Le gouverneme­nt allemand, de son côté, a refusé, lundi, de commenter.

L’oligarque russe Roman Abramovich, que certains croyaient impliqué dans les négociatio­ns, a refusé lui aussi de dire s’il s’était proposé comme intermédia­ire.

Poutine était ouvert à l’échange du journalist­e américain emprisonné en Russie Evan Gershkovic­h contre Krasikov. Moscou avait aussi proposé de l’échanger contre l’américain d’origine canadienne Paul Whelan, condamné à 16 ans de prison pour espionnage. Jamais on n’a parlé de Navalny.

NAVALNY : MORT NATURELLE OU PAS

Le chef des services secrets militaires ukrainiens (HUR), Kyrylo Budanov, vient de créer toute une surprise en déclarant que Navalny était mort d’un « caillot de sang », selon le journal Kyiv

Post. « Malheureus­ement, de causes naturelles », a-t-il ajouté. Les Russes attribuent aussi sa mort à des « causes naturelles » à la suite de sa perte de conscience lors d’une promenade.

Son corps a finalement été remis à sa mère plus d’une semaine après son décès dans une des prisons les plus dures de Russie. Il purgeait une peine de 19 ans de prison pour ses activités d’opposition.

Depuis une semaine, les autorités russes refusaient de remettre son corps à sa mère. Le Kremlin tente maintenant d’empêcher des funéraille­s publiques de crainte que cela déclenche un mouvement populaire de soutien à Navalny et d’opposition à Poutine.

Poutine, qui n’a jamais prononcé le nom de Navalny en public, n’a pas commenté la mort de son critique le plus virulent qui a déjà survécu à une tentative d’assassinat par empoisonne­ment.

EXCITER LA PARANOÏA DE POUTINE

Il est très possible qu’il ait été assassiné sur ordre de Poutine, ce qui expliquera­it le refus initial des autorités de rendre son corps à sa mère, refusant même qu’elle puisse le voir pendant plusieurs jours. Le temps de cacher le crime. Elle les accusait d’avoir voulu « brouiller les traces ».

L’autre explicatio­n plausible serait que les ennemis de Poutine en Russie et à l’étranger veulent, en évoquant des discussion­s secrètes sur un échange de Navalny, exciter sa paranoïa. L’amener à penser que des membres de la direction politico-militaire russe aient engagé à ce sujet des négociatio­ns derrière son dos.

De quoi semer la zizanie au Kremlin et provoquer des « chutes de fenêtres » de personnes soupçonnée­s d’avoir participé au complot.

Poutine aurait-il accepté de laisser Navalny quitter la Russie ? J’en doute.

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