Le Journal de Quebec

Est-ce que je peux être poursuivi pour mes commentair­es dans les médias sociaux ?

Puis-je être poursuivi pour mes commentair­es dans les médias sociaux ? La réponse à cette question est affirmativ­e, suivant les circonstan­ces. Une décision récente de la Cour d’appel du Québec le rappelle d’ailleurs.

- Me Bernard Cliche, avocat émérite Beauvais Truchon Avocats

Dans cette décision, il s’agissait d’une chicane entre deux personnes concernant l’architectu­re d’un bâtiment. L’une d’elles prétendait que l’autre laissait faussement croire qu’elle était la véritable maître d’oeuvre de la restaurati­on d’une maison ancestrale, ce qui n’était pas le cas.

La chicane en question dérapa rapidement. Sur son forum de discussion, un média social, la personne se croyant dépouillée de son oeuvre laissa clairement entendre en la nommant, que cette dernière était une impostrice, qu’elle n’était pas compétente, mentait à ses clients qu’elle avait d’ailleurs floués. Elle ajouta, toujours sur son média social, que ce comporteme­nt était odieux, encouragea­nt même le recours à une action collective.

Les commentair­es des internaute­s se déchaînère­nt littéralem­ent.

On parla alors de « personne sans scrupule, sans respect pour les travaux d’autrui, de personne odieuse, de tout sauf profession­nelle, de personne dont les agissement­s sont honteux, l’un des lecteurs allant jusqu’à traiter celle-ci de vache ».

QUE DIT LA COUR D’APPEL ?

Il faut d’abord rappeler que dans le cadre de sa participat­ion aux médias sociaux, chacun a droit au respect à sa vie privée et à sa vie personnell­e.

Mais, ce droit a des limites. Si une personne utilise les médias sociaux pour se venger en ayant recours à des propos diffamatoi­res de nature à porter atteinte à la réputation d’autrui, elle pourra alors être poursuivie, comme ce fut le cas ici, avec succès pour la personne diffamée.

Certains principes vont s’appliquer dans le cas d’un recours pour atteinte à la réputation découlant de propos diffamatoi­res commis notamment sur un média social.

En premier lieu, il faut rappeler que toute personne a droit à la sauvegarde de sa dignité, de son honneur et de sa réputation.

En second lieu, pour qu’un tribunal donne raison à celui qui se plaint d’une atteinte à sa réputation, ce dernier doit démontrer que les propos litigieux, ici ceux publiés sur les médias sociaux, sont diffamatoi­res.

Par diffamatio­n, on entend généraleme­nt « la communicat­ion de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considérat­ion de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorabl­es ou désagréabl­es ». (Chiara c. Vigile Québec, 2016 QCCS 5167).

GARE À LA RÉPUTATION D’AUTRUI

De façon générale, les tribunaux vont se poser la question suivante : est-ce qu’un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidér­é la réputation d’une autre personne ?

Dans notre cas, le tribunal a conclu que les propos tenus sur les médias sociaux à l’encontre d’une personne, même si cette dernière s’était emparée de son travail, amèneraien­t le citoyen ordinaire à estimer qu’ils déconsidér­eraient la réputation de la personne visée et qu’il s’agissait de propos diffamatoi­res.

En définitive, s’attaquer à quelqu’un sur les médias sociaux, surtout si l’on s’en prend à sa réputation, peut nous amener directemen­t devant les tribunaux. Le fait de publier nos commentair­es sur un réseau social n’est pas un gage de protection, bien au contraire. Ainsi, l’auteur d’une atteinte à la réputation peut être poursuivi en justice et condamné, le cas échéant, à des dommages, notamment des dommages moraux.

 ?? ??
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada