L’étrange nostalgie pour George W. Bush
La victoire annoncée de Donald Trump à l’investiture républicaine et, surtout, le retrait de Nikki Haley en amènent plusieurs, de très étrange manière, à pleurer le Parti républicain de naguère.
Dans une analyse un peu simpliste, ils associent Donald Trump à la radicalité, alors que Nikki Haley appartiendrait à la tendance des « modérés ».
On verra dans ce portrait une preuve de plus que le sens des mots est perverti, qu’il ne veut plus dire grand-chose. À moins qu’il ne relève de l’amnésie.
Car dans ce grand récit, on nous invite à cultiver quelque nostalgie pour George W. Bush. J’ai beau faire un effort, je n’y parviens pas.
IMPÉRIALISME
Faisons un peu d’histoire : le Parti républicain, au moment de la guerre froide, fut le parti de l’anticommunisme le plus résolu.
Il voulait tenir tête au communisme qui assujettissait les peuples, qui les soumettait à l’horreur totalitaire. Il avait absolument raison de le faire.
À l’échelle de l’histoire, Ronald
Reagan est un grand homme. C’est d’ailleurs le dernier grand président américain. Mais à la suite de la chute du communisme, le Parti républicain s’est cherché : privé d’ennemi, que pouvait-il faire ?
Il s’est alors refondé, autour d’un trépied doctrinal : il y avait la droite religieuse, il y avait la droite de Wall Street pour l’économie, et il y avait les néoconservateurs, pour la politique étrangère.
Ces derniers rêvaient d’exporter la démocratie à travers le monde en imposant autant que possible un changement de régime aux pays réfractaires.
Ils prirent prétexte des attentats du 11 Septembre pour lancer leur guerre contre l’irak en 2003. Ils croyaient exporter la démocratie avec les bombardiers. De vrais génies…
Cette forme d’impérialisme démocratique, dissimulé derrière un universalisme agressif, a ouvert une boîte de Pandore. Faut-il vraiment être nostalgique de ces fauteurs de guerre impérialistes ? Qu’avaient-ils de modéré, ces républicains ?
Pendant tout ce temps, il y a eu un courant républicain dissident, qui s’est incarné notamment dans le combat de Pat Buchanan.
Il mettait en garde contre les excès de la mondialisation, il dénonçait l’immigration massive, il s’inquiétait, dans un langage qui n’est assurément pas le nôtre, de la décadence culturelle de son pays.
Surtout, il mettait en garde contre l’impérialisme démocratique.
On l’a pour cela présenté comme un monstre, comme un populiste d’extrême droite. Il n’est pas parvenu à s’imposer, mais il a creusé un sillon.
BUCHANAN
Il faut garder cette histoire à l’esprit quand on veut comprendre le succès de Trump : c’est en récupérant ce créneau, qui était très prisé chez les électeurs indépendants, qu’il s’est imposé, en incarnant une insurrection populiste contre un système oligarchique.
On peut conspuer sa personnalité, et surtout, son manque de respect des institutions. Avec raison.
Mais on ne comprendra rien à son succès si on ne comprend pas la mouvance qui l’a porté et qu’il a portée, et si on s’entête dans une stupide nostalgie pour la droite bushiste, impérialiste, mondialiste, oligarchique, fondamentalement déréglée.