Les entreprises d’ici boudées par nos caisses de retraite
C’est maintenant connu, le Québec a perdu le contrôle de plusieurs de ses fleurons aux étrangers.
On n’a qu’à se rappeler la C Series de Bombardier (A220) cédée à la multinationale française Airbus, Camso au géant français Michelin, RONA à l’américaine Lowe’s, Atrium Innovations au fonds européen Permira, Laboratoires Paladin à l’américaine Endo Health Solutions, Alcan à l’anglo-australienne Rio Tinto, Provigo à l’ontarienne Loblaws, etc.
Sur la longue liste des ventes aux étrangers, on vient d’ajouter les sociétés québécoises Fourgons Transit, AGA Assurances collectives, Plusgrade, Uni-sélect, Opsens, H2O Innovation, Logistec et QSL International.
C’est quoi, le problème ? Manquet-on de capital d’investissement ? Absolument pas. Non seulement nous pouvons compter sur Investissement Québec, le Fonds de solidarité FTQ, Fondaction CSN, plusieurs fonds spécialisés en capital de risque... mais en plus nous possédons au Québec la deuxième plus grande caisse de retraite au Canada, soit la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Mais tous ces grands investisseurs québécois font évidemment des choix d’investissement en fonction de leurs priorités. Les entreprises québécoises qui sont passées aux mains des sociétés étrangères ne figuraient manifestement pas dans leurs priorités.
PRENONS LA CAISSE DE DÉPÔT
Avec son actif net de 434 milliards de dollars, on s’entend que la Caisse, à elle seule, aurait les moyens de contrôler une tonne d’entreprises québécoises et de les protéger contre une mainmise étrangère. Quand elle n’intervient pas lors d’une tentative d’acquisition par des sociétés étrangères, c’est parce que les dirigeants de la Caisse n’en voient tout simplement pas l’importance.
Les placements de la Caisse au Québec totalisent un actif total de 88 milliards de dollars. Cela représente 20,3 % de l’actif net de la Caisse. Il y a 10 ans, le poids des placements de la
Caisse au Québec s’élevait à 26,1 % de l’actif net de la Caisse. On parle donc ici d’un recul de 6 points de pourcentage.
Sous la haute direction de Charles Emond, qui dirige les destinées de la Caisse depuis janvier 2020, le poids du Québec dans l’ensemble de l’actif de la Caisse a enregistré une légère augmentation, passant de 19,6 % (en 2019) à 20,3 % (en 2023).
Le Québec accapare la très grande portion de l’actif de 117 milliards $ que la Caisse détient au Canada.
UN PROBLÈME PANCANADIEN
Le Québec n’est évidemment pas la seule province canadienne qui voit plusieurs de ses fleurons passer entre les mains de sociétés étrangères.
Et l’une des principales causes, c’est quoi ? C’est tout simplement le manque d’intérêt des grandes caisses de retraite canadiennes pour les actions des sociétés canadiennes cotées en Bourse.
Appuyée par une centaine de hauts dirigeants d’entreprises canadiennes, la firme de gestion de portefeuille Letko Brosseau reproche aux caisses de retraite du pays de se défaire des actions canadiennes, et ce, depuis plusieurs années.
À preuve, les caisses de retraite canadiennes ont considérablement réduit leur participation dans les sociétés canadiennes cotées en Bourse. Alors que les actions canadiennes comptaient pour 28 % de leur actif total à la fin de l’année 2000, elles représentent aujourd’hui moins de 4 % de leur actif.
DE NOUVELLES RÈGLES DEMANDÉES
Pour corriger la situation, Letko Brosseau et les gens d’affaires demandent au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux de modifier leur réglementation sur les pensions de façon à forcer les caisses de retraite canadiennes à investir davantage dans les sociétés canadiennes.
Dans l’ensemble du gigantesque portefeuille de la Caisse, le Canada accapare 27 % de l’actif total, dont 20 % au Québec. Les États-unis comptent pour 38 %, l’europe pour 16 %, l’asie-pacifique pour 12 %, l’amérique latine pour 4 % et le reste du monde, pour 3 %.
La plus grande caisse de retraite au pays, soit celle du Régime de pension du Canada (Investissements RPC), fait piètre figure en matière d’investissement au Canada.
Sur l’ensemble de ses 591 milliards d’actif net, à peine 13 % (75,6 milliards $) sont investis dans les sociétés canadiennes. Investissement RPC favorise les États-unis (40 %), l’asie-pacifique (23 %), l’europe (18 %). L’amérique latine compte pour 6 %.
Pour sa part, l’ontario Teachers’ Pension, la troisième plus grande caisse publique canadienne, a la fibre canadienne plus élevée qu’investissement RPC et la Caisse. Le poids du Canada dans le portefeuille de
250 milliards $ de Teachers compte pour 33 % de l’actif total.