Des milliers de dollars en pénalités Plusieurs Québécois font les frais d’une nouvelle loi qui accorde plus de responsabilités aux notaires
Des Québécois qui changent de prêteur hypothécaire pour avoir un meilleur taux d’intérêt se butent depuis le début de l’année à de longs délais avant de pouvoir passer chez le notaire. Certains ont perdu des centaines, voire des milliers de dollars en pénalités.
C’est ce qui est arrivé à Guillaume Paré et Stéphanie Beaudet, propriétaires d’un cottage à Lanoraie, dans Lanaudière, depuis deux ans.
La Banque Nationale, où ils étaient clients, leur offrait un taux de 7 % alors qu’un courtier hypothécaire leur en a trouvé un de 5 % chez Manuvie, ce qui les a convaincus de changer de prêteur.
Mais ce qui devait être réglé avant l’échéance du prêt, le 15 décembre 2023, s’est conclu un mois plus tard.
Ni Manuvie ni son partenaire dans la transaction, la compagnie d’assurances titres FNF, n’ont pu trouver un notaire à temps. Chaque jour qui passait augmentait les pénalités calculées par la Banque Nationale.
« Ça a augmenté à 2700 $. [...] C’est pratiquement le capital qu’on a payé dans l’année. C’est comme si on disait que l’année dernière nous n’avions payé que des intérêts sur notre prêt », se désole Mme Beaudet.
NOUVELLE LOI
Ces délais ont comme origine une nouvelle loi pour moderniser le notariat, adoptée l’automne dernier par Québec.
Elle a réanimé une vieille guerre qui oppose les notaires aux compagnies d’assurance titres.
En effet, en plus de vendre des polices, ces compagnies préparent aussi, à des tarifs très bas, les documents légaux des banques servant aux refinancements hypothécaires.
Avec la nouvelle loi, ce travail serait maintenant exclusif aux notaires.
La Chambre des notaires voit d’un bon oeil cette nouvelle loi. Selon sa présidente Hélène Potvin, cela permettra de « ramener le notaire près du citoyen pour qu’il puisse mieux l’informer de ses droits ».
En janvier, la Chambre a avisé ses membres qu’ils n’avaient plus le droit d’accepter les documents préparés par les compagnies d’assurance titres.
Conséquence, les notaires qui continueront d’accepter les dossiers de refinancement hypothécaire avec ce genre de documents risquent de se faire taper sur les doigts par leur ordre professionnel.
D’où les délais pour trouver un notaire qui les accepte encore, comme l’a constaté Véronique Caron, courtière hypothécaire et gestionnaire chez Multi-prêts : « J’ai cinq à six dossiers à gérer tous les jours parce qu’il y a des délais avec FCT », raconte-t-elle.
1200 $ DE PÉNALITÉ
Une situation dont Abel Chouinard, qui possède une copropriété à Montréal, a fait aussi les frais. Il a décidé l’automne dernier de quitter Desjardins pour la Banque Nationale. La BN lui offrait un crédit de 900 $ pour couvrir les frais de notaires.
Sous les conseils de sa courtière hypothécaire, il passe par les services de FCT, l’autre grosse compagnie d’assurances titres au Québec. Le renouvellement prévu le 19 novembre a finalement eu lieu trois mois plus tard. Ces délais lui ont coûté plus de 1200 $.
« C’est comme si on avait choisi une compagnie aérienne au rabais et qu’on se retrouve avec le même prix qu’un vol d’air Canada. C’est un peu frustrant », déplore M. Chouinard.
POURSUITE JUDICIAIRE
Les deux principales compagnies d’assurances titres au Québec poursuivent donc la Chambre des notaires et demandent à la Cour de clarifier une fois pour toutes cette question.
Entre-temps, les courtiers hypothécaires craignent encore plus de retards étant donné les volumes de renouvellements anticipés dans les prochains mois.
En attendant que ça se règle, Stéphanie Beaudet espère que les banques seront conciliantes envers les consommateurs.
« On a tout fait dans les règles. On a respecté les délais. On était même en avance. Mais malgré ça finalement c’est nous qui payons la note », déplore-t-elle.