Sans filtre et sans filet à 110 %
On se souvient toujours des émissions de télé qu’on a appréciées. Ainsi, cette semaine, 110 % revient dans l’actualité pour souligner le 15e anniversaire de sa disparition. Pour qu’on en reparle, c’est que cette émission a frappé l’imaginaire.
La formule était simple. Quatre types autour d’une table qui discutaient plus souvent qu’autrement du Canadien. Comme dans une brasserie, mais ça faisait plus penser à une taverne d’autrefois. D’ailleurs, il y a même eu des émissions où on buvait de la bière.
Remarquez bien que l’on n’avait pas besoin de boire pour se crinquer. Mais ça aidait à désaltérer nos gosiers asséchés par le flot de paroles qui sortait de nos mâche-patates.
C’était complètement fou !
Ça aurait pu faire un acte dans Broue.
110 % ne laissait personne indifférent. On adorait ou on détestait.
Le Canadien faisait partie de ceux qui n’aimaient pas. Télévision Quatre-saisons n’ayant aucun lien avec le Tricolore, elle était tout à fait libre de programmer ce qu’il voulait.
VILLENEUVE VS GRÉGOIRE
Au début, 110 % était présenté sous forme de magazine sportif. Paul Rivard était à l’animation. La formule a changé à la fin de l’an 2000. La date précise sort instantanément de la tête d’éric Lavallée, qui était producteur de l’émission.
« C’était le 4 décembre 2000 », indique-t-il.
« Il y avait eu une grosse nouvelle dans le football ce jour-là et Gabriel Grégoire avait planté tout ce qu’il y avait de chroniqueurs et de journalistes sportifs au Québec », racontet-il.
« On l’avait invité à en découdre avec Michel Villeneuve. En arrivant au studio, Gaby avait lancé à Michel : “Toé, je ne te serre pas la main !” » Belle entrée en matière !
Et c’est ainsi que ça a commencé.
Les cotes d’écoute ont atteint 204 000 téléspectateurs ce soir-là. C’était excellent pour une émission diffusée après les nouvelles de fin de soirée.
Les dirigeants de Quatre Saisons étaient aux anges, mais n’étaient pas convaincus pour autant que la formule débat pouvait tenir l’affiche cinq soirs par semaine.
« J’ai dit à notre directeur de l’information Yves Bombardier : “Fie-toi sur moi, je m’en occupe !” », continue Lavallée, qui brasse de bonnes affaires aujourd’hui comme agent immobilier.
GROSSE ÉQUIPE
Éric a formé une équipe de débatteurs de tout acabit. Il y avait bien des anciens entraîneurs et des anciens joueurs, nommément Michel Bergeron, Jean Perron, Enrico Ciccone, Marc Bureau, P.J. Stock et Grégoire, mais la colonie journalistique était mieux représentée comparativement à ce qu’on voit de nos jours dans les shows de chaises.
En plus de Villeneuve, on pouvait entendre Réjean Tremblay, Pierre Rinfret, François Gagnon, Michel Langevin, Daniel Poulin, Mario Langlois, Jean-charles Lavoie et votre humble serviteur. On retrouvait aussi les comédiens Éric Hoziel et Jean-michel Dufaux. Je m’excuse envers ceux que j’ai oubliés.
Jean Pagé a succédé à Rivard au poste d’animateur. Ça le changeait de la très guindée Radio-canada de l’époque, mais il a très bien fait la transition. Il avait grand plaisir dans son rôle de maître de jeu, même si ça dérapait souvent.
CHICO ET GABY
J’ai eu de la misère à contrôler mes émotions certains soirs. Particulièrement à l’endroit de Chico et de Gaby, à qui j’ai dit souvent en ondes qu’il faisait sortir le démon en moi.
J’ai eu deux discussions explosives avec Ciccone. La première est survenue pendant le lock-out qui avait mené à l’annulation de la saison 2004-2005 dans la Ligue nationale de hockey. Il appuyait les joueurs, je lui disais de ne pas nous faire pleurer.
La deuxième portait sur l’incursion de John Tortorella, alors entraîneur des Canucks de Vancouver, dans les quartiers des Flames de Calgary pendant un entracte. Le bouillant coach voulait s’en prendre à Bob Hartley, qui avait envoyé ses fiers-à-bras sur la glace pour commencer le match. Tortorella avait répliqué en faisant appel à ses hommes forts.
Ce fut la foire dès la mise en jeu initiale !
Pour l’occasion, j’avais totalisé les statistiques des 10 joueurs des formations partantes pour dire qu’ils n’avaient pas leur place dans le hockey. Chico n’avait pas apprécié. La discussion avait continué après le show dans les corridors de TVA, alors que 110 % avait été remplacé par Le match. J’ai appelé Enrico quelques jours après pour lui dire qu’on avait dépassé les bornes.
JUSQU’À 400 000 TÉLÉSPECTATEURS
Mais c’était ça, 110 %.
C’étaient quatre bonhommes débordant de testostérones qui défendaient leurs idées et qui voulaient avoir raison. Les gens se reconnaissaient en nous. On nous arrêtait au restaurant, au centre d’achats, au dépanneur pour nous parler de l’émission de la veille.
Combien de fois m’a-t-on demandé comment je faisais pour travailler avec Villeneuve ? Je répondais que Michou était un solide débatteur qui était toujours bien préparé. Ce qui était la vérité, car si on n’arrivait pas préparé, c’était just to bad.
Pas moins de 400 000 foyers étaient à l’écoute le soir où José Théodore est passé du Canadien à l’avalanche.
De quoi faire rêver les émissions de fin de soirée d’aujourd’hui.
Mais on ne pourrait plus faire cette émission aujourd’hui. C’est Réjean Tremblay qui disait cette semaine que ça ne durerait pas trois mois.
Tu es généreux, Réjean, on nous mettrait à l’index après trois jours !