Le Journal de Quebec

Plus on lit, moins on est con !

- joseph.facal@ quebecorme­dia.com

Je viens de publier le dernier tome d’un gros roman.

L’autre jour, dans un wagon bondé du métro, deux personnes sur trois le lisaient.

Tout d’un coup, j’ai eu envie d’uriner. J’ai ouvert les yeux. Je rêvais. Zut.

CHUTE

Le surlendema­in, j’étais vraiment dans le métro. J’observais. Pas un livre. Que des nez plongés dans de petits écrans.

Un ami revenant d’un tout-inclus me disait qu’autour de la piscine, il n’avait pas vu beaucoup de livres.

À l’université, ces dernières années, j’échappais difficilem­ent à l’impression que mes étudiants lisaient de moins en moins et trouvaient tous les textes trop longs.

Ils avaient aussi de plus en plus de mal à comprendre ce qu’ils lisaient quand c’était le moindremen­t complexe. Voulant tester mes préjugés, j’ai cherché des données validées scientifiq­uement.

Les jeunes lisent-ils moins qu’avant s’ils n’y sont pas obligés ? Si oui, est-ce grave ?

La lecture pour le plaisir, ça donne quoi, ça change quoi ?

Le chercheur français Michel Desmurget, spécialisé dans les neuroscien­ces cognitives, a étudié toutes ces questions, passant notamment en revue les masses de données disponible­s.

Les jeunes lisent, dit-il, mais ils lisent surtout quoi ? Ce que l’école impose, des revues aussi, mais surtout, surtout, les mots et les phrases sur les écrans récréatifs : Instagram, Tiktok, jeux vidéo, commentair­es des autres, etc.

Ce qui est en chute libre, c’est la lecture par plaisir, donc non imposée, d’un produit précis : le livre traditionn­el.

Évidemment, il y a des différence­s selon les milieux.

Faut-il s’inquiéter de cette chute ? Absolument.

L’humanité d’un jeune, dit-il, repose sur trois piliers : il doit développer ses aptitudes intellectu­elles, apprendre à gérer ses émotions et construire sa capacité à entrer en relation avec autrui.

Aucun autre loisir n’offre autant de bienfaits simultanés sur ces trois plans que la lecture de livres.

De ce point de vue, ils sont difficilem­ent remplaçabl­es, voire irremplaça­bles.

Le livre augmente le vocabulair­e, donc la capacité à parler et à écrire avec richesse et nuance.

Il augmente la culture générale et la créativité.

Il favorise l’empathie, car on y rencontre des gens différents de nous.

Tout cela se répercute sur les notes, donc sur la réussite scolaire, un assez fort indicateur de la réussite profession­nelle ultérieure.

L’école joue un rôle important, mais celui de la famille est crucial, car les enfants tendent à imiter leurs parents.

Les exceptions n’infirment pas les tendances lourdes.

Et les non-lecteurs d’aujourd’hui, souligne Desmurget, seront les enseignant­s de demain.

ABRUTISSEM­ENT

Discutez de cela et il se trouvera toujours un faux futé, se croyant avant-gardiste, qui dira : pourquoi me donner la peine de lire pour apprendre s’il me suffit d’appuyer sur un bouton pour qu’on me donne la réponse ?

Celui-là ne réalise pas sa perte de liberté, sa dépendance à la machine, et que cette réponse n’est peut-être pas la seule possible.

Il ne réalise surtout pas qu’il alimente notre abrutissem­ent collectif.

Les jeunes lisent-ils moins qu’avant s’ils n’y sont pas obligés ? Si oui, est-ce grave ? La lecture pour le plaisir, ça donne quoi, ça change quoi ?

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