Vers une pénurie d’audioprothésistes Les inscriptions aux programmes de formation ont baissé de 50 % depuis quatre ans dans la province
Alors que la demande pour des appareils auditifs ne fait qu’augmenter, le nombre d’inscriptions collégiales dans les programmes d’audioprothèse a baissé de moitié ces dernières années, faisant craindre une pénurie de main-d’oeuvre.
« Il y a vraiment une ligne claire avec la pandémie. Depuis l’ouverture du programme, en 2013, on avait une vingtaine d’étudiants par cohorte. Dans les quatre dernières années, on tourne autour de 10 », explique le coordonnateur du programme Audioprothèse du Cégep de La Pocatière, Daniel Bois.
L’établissement du Bas-saint-laurent est l’un des deux seuls endroits au Québec à offrir une formation dans le domaine.
Au Collège de Rosemont, à Montréal, on observe une problématique similaire. Le nombre de diplômés et d’inscriptions a aussi chuté dans les dernières années.
PHÉNOMÈNE INQUIÉTANT
M. Bois et son homologue du Collège de Rosemont, Marie-christine Lapointe, n’ont pas vraiment d’idée précise quant à ce qui engendre cette baisse soudaine des inscriptions.
« D’autres emplois dans le domaine de la santé ont été mis de l’avant pendant la pandémie. Peut-être que, comme ça répond à un besoin plus niché, ce n’est nécessairement vers cette avenue que les jeunes se dirigent naturellement », soupçonne la coordonnatrice de programme du cégep montréalais.
Chose certaine, l’afflux diminué de nouveaux diplômés a « quelque chose de préoccupant » pour l’ordre des audioprothésistes du Québec et certains de ses 530 membres.
Selon une étude menée en collaboration avec l’institut national de santé publique, le nombre de malentendants appareillés devrait augmenter de 22 % d’ici 15 ans. Il faudra donc des centaines de nouveaux audioprothésistes pour éviter une surcharge de travail et pallier les retraites à venir.
« Présentement, un audioprothésiste clinicien appareille entre trois et quatre nouveaux patients par semaine, soutient le président de l’ordre, David Gélinas. On sait qu’il y aura un boom dans les prochaines années. Ce n’est pas prévu, mais on veut éviter de se retrouver avec des listes d’attente comme c’est le cas ailleurs dans le milieu de la santé. »
Le réseau Lobe, qui compte 59 cliniques réparties à travers le Québec, aurait besoin de « 29 nouveaux audioprothésistes pour subvenir à ses besoins en 2024 », selon son président et chef de la direction, Martin Cousineau.
Or, dans les cinq dernières années, au Québec, une moyenne de 28 nouveaux diplômés a fait son entrée sur le marché du travail. Le groupe Lobe réfléchit donc à approcher des candidats d’autres pays dont les acquis pourraient être reconnus par l’ordre des audioprothésistes.
FAIRE CONNAÎTRE LE MÉTIER
Les intervenants consultés par Le Journal sont unanimes : le métier d’audioprothésiste manque cruellement de visibilité.
« Je prêche pour ma paroisse, mais on n’entend jamais parler de l’audioprothèse. Pourtant, c’est un domaine qui allie plusieurs aspects très intéressants, comme la technologie, l’entrepreneuriat et la relation d’aide. En plus, le taux de placement est de 100 % », fait valoir M. Cousineau, lui-même audioprothésiste de formation.