LA FEMME D’AFFAIRES ANNE LADOUCEUR ET SON COIN DE PARADIS
Pendant 12 ans, la femme d’affaires Anne Ladouceur s’est investie en politique municipale à Lévis, avec sa grande complice, l’ex-mairesse Danielle Roymarinelli. Depuis son départ, à la fin de 2013, elle est retournée vers une autre grande passion, la culture du bleuet, pour le plus grand bonheur des gourmands de la région.
Ses parents avaient pour habitude de dire à Anne Ladouceur que « quand on voulait détourner un avion, il fallait être au volant ». Elle ne l’a jamais oublié.
Originaire de Montréal, elle s’est établie sur la rive sud de Québec il y a une quarantaine d’années, après sa rencontre avec son conjoint, Alain Soulard.
Très jeune, elle s’est intéressée à la politique. Travaillant dans le domaine du loisir, elle a été confrontée à une situation d’injustice qui lui a fait dire qu’un jour, elle ferait partie de ceux qui prennent les décisions.
Sur la rive sud, Anne Ladouceur s’impliquait comme bénévole. Quelqu’un l’a approchée pour qu’elle se présente comme conseillère municipale à Saint-nicolas. C’était en 1987, elle avait 27 ans.
« Je me suis dit : si tu veux changer les choses, sois à l’endroit où on prend les décisions, et essaie de prendre les meilleures décisions. »
Elle l’a emporté contre un homme qui siégeait depuis de nombreuses années. Elle était dans l’opposition, et durant quatre ans, elle a appris énormément. Elle a perdu les élections suivantes par seulement 63 voix, se souvient-elle.
COMPLICITÉ AVEC LA MAIRESSE
Puis les fusions sont arrivées, entraînant les premières élections dans la nouvelle ville de Lévis.
L’ex-ministre et maire de l’ancienne ville de Lévis, Jean Garon, l’a alors approchée. Elle l’a emporté dans Saint-nicolas.
Réélu maire, M. Garon l’a nommée, ainsi que Danielle Roy-marinelli, ex-mairesse de Saint-jean-chrysostome qui faisait désormais partie de son équipe, sur le comité exécutif.
Comme on dit, ç’a cliqué entre les deux femmes. En 2003, pour diverses raisons, elles ont toutefois quitté l’exécutif.
Mme Roy-marinelli s’est présentée à la mairie en 2005, et Anne Ladouceur, réélue, est devenue son bras droit. Vice-présidente du comité exécutif, elle était aussi mairesse suppléante.
« J’ai eu le bonheur de travailler avec elle et d’avoir de beaux mandats, de belles responsabilités, parce qu’elle me faisait confiance », souligne-t-elle.
Elle a notamment été chargée des finances, du développement économique, du comité Femmes et ville, qui visait à impliquer les femmes le plus possible dans les décisions.
AMOUR DE LA TERRE
Parallèlement à ces engagements politiques, Anne Ladouceur et son conjoint ont acheté une terre à Saint-nicolas en 1997.
Attirés par l’amour de la terre et le bonheur de respirer le grand air dans de grands espaces, tout en étant proches de la ville, ils ont écouté leur instinct.
« C’était une ferme laitière, que nous avons transformée dès l’année suivante. On a acheté ça l’hiver, donc on n’avait pas tout à fait vu la terre. On a eu une belle surprise quand l’été est arrivé et qu’on a vu l’étendue », raconte-t-elle.
Le couple a rapidement eu envie de cultiver cette terre, qui compte aujourd’hui 25 000 plants de bleuets.
Mais il s’est fait un point d’honneur de ne pas faire compétition à des familles souches du secteur, qui y cultivent la fraise, la framboise et la pomme depuis des générations.
Question d’y aller en complémentarité, après avoir consulté un agronome qui les a conseillés, ils ont décidé d’opter pour la culture du bleuet.
« Nos voisins nous ont un peu pris sous leurs ailes et nous ont aidés à développer tout ça », relate-t-elle.
L’idée de transformer les fruits est venue ensuite. « En 2011, j’étais encore en politique municipale, mais j’avais déjà pris la décision de ne pas me représenter en 2013. »
Son conjoint, son père et un homme engagé ont rénové la grange de fond en comble afin d’y aménager un restaurant, un comptoir laitier et une boutique.
Ils se sont lancés à fond de train dans le développement de l’agrotourisme.
PETIT COIN DE PARADIS
C’est ainsi qu’est né Les Bleuets du Vire-crêpes, où les gens peuvent non seulement se bourrer la fraise, mais aussi découvrir les arrières-lots du secteur, où une vue magnifique les attend.
L’endroit, qui emploie jusqu’à 60 personnes durant la haute saison, est aujourd’hui célèbre pour ses déjeuners agrémentés de bleuets, ses glaces aux bleuets l’été, mais aussi pour ses pâtisseries, viennoiseries et produits dérivés de toutes sortes.
Le plus compliqué a été de développer des produits cosmétiques à base de sirop de bleuet.
Il a fallu aussi choisir le laboratoire, faire des tests.
Durant la saison estivale, un camion de cuisine de rue, où le bleuet occupe une place prépondérante, fait le bonheur des visiteurs. Le couple a même mis en marché des sauces barbecue à base de bleuets.
Les jeudis soirs d’été, des artistes se produisent lorsque le temps le permet. C’est bondé de gens qui partagent un sourire fendu jusqu’aux oreilles.
ÉPISODE DIFFICILE
Je me souviens encore d’une entrevue radio qu’avait accordée
Mme Ladouceur en 2017, après un terrible soubresaut de dame Nature.
Un épisode de grêle qui n’a passé que dans le rang du Vire-crêpes a détruit la presque totalité des cultures, et ce, en quelques minutes à peine.
D’autres bleuetières les ont fournis cet été-là et ils ont pu s’en sortir. Mais encore aujourd’hui, elle en parle avec émotion.
Près de 30 ans plus tard, le couple est toujours aussi passionné par son entreprise. Les nouvelles idées affluent et ils se réveillent même la nuit pour en jaser.
Mais tranquillement, ils commencent à penser à la relève, comme tous bons entrepreneurs.
Leur principal objectif, et ce n’est pas pour tout de suite, souligne-t-elle, sera de s’assurer que l’âme de l’entreprise demeure.