Le Journal de Quebec

Comme « des prisons pour les mineurs »

- FÉDÉRIQUE GIGUÈRE

D’anciens fugueurs de centres jeunesse se désolent de voir que les conditions ont très peu changé depuis leur passage et disent comprendre mieux que personne le sentiment d’impuissanc­e et d’isolement ressenti par ces enfants.

« C’est un milieu très carcéral, dit Kevin Champoux Duquette, qui a fugué 33 fois entre l’âge de 11 et 17 ans. Les murs sont en béton et ton espace n’est pas plus grand que l’écart entre tes deux bras. Les fenêtres, si tu en as, sont en grillage. Il y a des intercoms dans les chambres et ils mettent de la musique même si tu ne veux pas l’entendre. La nuit, ils viennent nous checker avec leurs flashlight­s.»

Celui qui a depuis cofondé le Collectif Ex-placé DPJ se souvient du moment où il a vu l’émission Unité 9 à la télévision. Pour lui, c’était quasi identique à ce qu’il avait vécu.

La directrice de l’organisme, Jessica Côté-guimond, estime qu’une grande partie des fugues pourrait être évitée si les services offerts dans les centres jeunesse étaient plus adaptés aux besoins des jeunes.

SURVEILLAN­CE ET CONTRÔLE

« On prend plusieurs détours pour dire les choses, mais la vérité, c’est que ce sont des prisons pour les mineurs, dit celle qui a aussi cofondé le collectif. La culture est orientée sur la gestion du risque, la surveillan­ce et le contrôle. On n’écoute pas les jeunes, qui ont tous vécu des traumas avant d’arriver ici. »

Selon celle qui a aussi fugué alors qu’elle était en centre jeunesse, certaines des conditions dans lesquelles les jeunes vivent sont des raisons évoquées pour refuser à des gens de devenir famille d’accueil, comme l’absence de fenêtre.

L’été dernier, Le Journal rapportait d’ailleurs que le Centre de réadaptati­on pour les jeunes en difficulté d’adaptation du Mont Saint-antoine, un centre jeunesse de Montréal, était en totale décrépitud­e. En plus des tuiles qui tombaient littéralem­ent du plafond, des champignon­s ont été découverts dans les salles de bain en plus de mulots et d’écureuils qui y ont élu domicile.

Pour l’auteure et conférenci­ère Nancy Audet, qui rencontre des centaines de jeunes par année, il est primordial de s’attaquer à ce fléau et d’aider les jeunes à se sentir mieux en centre.

« Actuelleme­nt, je connais personne, même pas un adulte, qui serait capable de passer une semaine dans des conditions comme ça », dit-elle.

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