Les ponts de glace sont en péril
Ces structures temporaires bien pratiques pour les véhicules sont menacées par les changements climatiques
Des propriétaires de ponts de glace s’inquiètent de voir les changements climatiques faire disparaître ces passages de véhicules après deux hivers de fermeture.
Trois propriétaires de la Montérégie et de l’outaouais craignent leur disparition, la glace n’étant pas assez épaisse cette année, comme l’année dernière.
« Je suis un petit peu nostalgique à l’idée que les ponts de glace au Québec sont en train de disparaître », avoue Gilbert Cardin. Entre janvier et mars, cet ancien arpenteur opère un pont de glace de 900 mètres reliant Pointe-fortune à Saint-andré-d’argenteuil, en Montérégie.
Une activité qui le passionne depuis près de 30 ans. Chaque hiver, il perce des trous pour sonder la glace qui recouvre la rivière des Outaouais afin de vérifier si l’épaisseur est d’au moins 14 pouces. Si c’est le cas, le pont de glace ouvre. Contre 8 $, les véhicules peuvent rejoindre l’autre rive en une minute.
« Ça sauve facilement une heure de détour inutile, donc ça vous sauve de l’argent dans votre réservoir d’essence », explique Gilbert Cardin.
CHAUFFEUR DE BUS À LA PLACE
Mais pour la première fois en près de 30 ans, son pont de glace est resté fermé. Pourtant, la demande est là. Des clients du Québec et de l’ontario l’appellent chaque jour pour savoir si le pont est ouvert.
« Les hivers n’y sont plus. Je me voyais faire mes vieux jours ici en m’occupant en hiver en faisant ça ». À la place, il conduit des autobus scolaires.
Le réchauffement climatique pourrait bien en être responsable. La province a connu un hiver parmi les plus doux de son histoire. Gilbert Cardin ressent ce changement.
« On savait que le réchauffement de la planète s’en venait, mais on ne pensait pas que c’était pour nous péter dans la face aussi rapidement », dit-il.
PROFITER DE NOS HIVERS
À 30 km plus à l’est, le pont de glace reliant Hudson à Oka est aussi en mode survie. Claude Desjardins, son propriétaire depuis 1999, ne l’a pas ouvert cet hiver, lui non plus.
« On n’avait pas ouvert en 2016 et 2017, se rappelle-t-il. Le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres, on n’a pas le choix de l’associer.
« On aime quand ça ouvre, dit M. Desjardins. C’est un revenu supplémentaire et il y a une activité économique qui vient avec. Il y a des marcheurs, des sentiers de motoneige, des pêcheurs… on aime profiter de nos hivers québécois. »
En moyenne, son pont de glace est en activité pendant 25 jours et une centaine de véhicules y passent quotidiennement.
« C’est le plus occupé du Québec », assure-t-il.
Même si la fermeture de cet hiver l’attriste, c’est aussi une bonne nouvelle. La saison la plus importante pour son entreprise arrivera plus vite. Il opère un traversier d’avril à novembre. Plus de 1000 véhicules y passent chaque jour contre un minimum de 14 $. Une activité plus longue et plus rentable.
VÉHICULES MOINS LOURDS
Un autre propriétaire a réussi à ouvrir une semaine cet hiver. C’est Éric Sanscartier-allard. Son passage reliant Lefaivre, en Ontario, à Montebello, au Québec, a fait passer quelques véhicules début février.
« Mais avec une restriction de trois tonnes maximum au lieu de cinq », précise-t-il.
Lui aussi ouvrira son traversier plus tôt cette saison, mais avec un goût amer. « Je crois au changement climatique. On n’est pas fous. »