C’est ce qu’affirment les auteurs d’une étude qui dénonce aussi le développement par décrets de cette filière
« Cheval de Troie », « occasion manquée », « privatisation »... des chercheurs redoutent que l’éolien vienne privatiser en douce Hydroquébec, autour duquel gravitent les forces vives du Québec inc. depuis un siècle.
« Le modèle pour privatiser la production est déjà là. Ça remonte aux années 2000, et ça s’est accéléré », soutient Noël Fagoaga, chercheur à l’institut de recherche en économie contemporaine (IREC) et coauteur d’une nouvelle étude avec Krystof Beaucaire, membre de la Chaire de recherche sur la transition écologique de L’UQAM. « On n’est pas contre l’éolien. On est pour l’éolien, qui répond à des besoins régionaux. Les parcs éoliens sont exemptés de taxes foncières, mais ont des contributions volontaires à faire aux villes », poursuit Noël Fagoaga, détenteur de deux maîtrises, l’une en génie des bioprocédés et l’autre en environnement et développement durable.
D’après eux, le fait d’avoir une filière éolienne privée n’a rien à voir avec les « besoins de la population », mais est au contraire le fruit de décisions purement politiques.
« Depuis 2009, les consommateurs ont payé plus de 6,1 milliards $ pour la priorité accordée au développement la filière éolienne par des investisseurs privés. Cette somme assumée par la clientèle de la société d’état est attribuable à un problème de planification énergétique », vont-ils jusqu’à avancer.
La filière éolienne s’est développée par décrets.
« Le gouvernement a trouvé les moyens de développer une filière éolienne au Québec sans que la Régie ait à se prononcer sur le bien-fondé de ces nouvelles sources
« LE MODÈLE POUR PRIVATISER LA PRODUCTION EST DÉJÀ LÀ. ÇA REMONTE AUX ANNÉES 2000, ET ÇA S’EST ACCÉLÉRÉ. »
– Noël Fagoaga, chercheur à L’IREC
d’approvisionnement », critiquent-ils.
À la mi-février, Le Journal révélait qu’hydro-québec avait assoupli ses critères de sélection des projets de parcs éoliens.
« OCCASION MANQUÉE »
D’après L’IREC, l’absence d’hydro-québec Production (HQP) dans les appels d’offres n’est rien de moins qu’une « occasion manquée tant pour Hydro-québec que pour les régions ».
« Les parcs, en très grande majorité propriété de promoteurs privés, ont ainsi pu investir dans des infrastructures énergétiques ayant la particularité d’être principalement financées au moyen de coûts d’amortissement grâce à des contrats d’achat garantis par Hydro-québec », notent-ils.
Selon leur hypothèse de revenus partagés 50-50 entre les villes et Hydro-québec, ceux-ci pourraient s’élever d’ici 2035 à une fourchette allant de « 910 M$ à 1,7 milliard $ ».
LE SCFP-QUÉBEC INQUIET
« Notre crainte, ce n’est pas que l’on vende Manic demain, mais qu’hydro-québec passe après le privé dans l’éolien, et que l’on se dise ensuite qu’il faut privatiser la société d’état », dénonce de son côté Pierre-guy Sylvestre, économiste au Scfp-québec.
« Si on offre les meilleurs sites éoliens au privé, qu’est-ce qu’il restera par la suite ? » souffle-t-il. Il pointe du doigt les monopoles régionaux D’EDF, qui s’enracineraient ici d’après lui.
« La Coalition avenir Québec (CAQ) n’a pas été élue pour privatiser Hydro. Il devrait y avoir une consultation », martèle le syndicaliste, au coeur d’une campagne de communication.
« MA RÉPONSE EST NON »
Le 20 février dernier, Pierre-guy Sylvestre a écrit un courriel au ministre de l’énergie, Pierre Fitzgibbon, pour exiger une consultation publique sur son projet de loi que son syndicat qualifie de « privatisation des services d’électricité ».
La réponse est venue de la main même du ministre quelques heures plus tard.
« Cela n’arrivera pas, car c’est déjà permis. René Lévesque l’avait permis sous Jean Lesage et le PQ l’avait bonifié en 2014 :-) Ma réponse est NON », lui a répondu le superministre du gouvernement Legault en coupant court.