Le Journal de Quebec

Margaret Atwood vit à une autre époque

- Guy.fournier@quebecorme­dia.com

L’autrice de la célèbre série La servante écarlate semble avoir oublié que nous vivons au 21e siècle.

Peut-être est-ce la conséquenc­e d’avoir écrit une dystopie qui lui a valu une renommée mondiale ? Mais la célébrité ne lui donne pas l’autorité de dénoncer tout projet de loi qui touche à l’internet, surtout qu’elle le fait avec des exemples qui sont de l’histoire ancienne. Margaret Atwood est une admiratric­e inconditio­nnelle de George Orwell et de son chef d’oeuvre 1984. C’est sûrement pour cette raison qu’elle voit « Big Brother » surgir partout.

Elle a beau jeu ces temps-ci, deux projets de loi controvers­és faisant débat à Ottawa. Le premier (C-63), piloté par le ministre de la Justice Arif Virani, entend s’attaquer

« aux préjudices en ligne ». C’est une refonte du projet qu’avait présenté l’ancien ministre de la Justice David Lametti et qui est mort au feuilleton en 2021. L’autre

(le S-210) est celui de la sénatrice québécoise Julie Miville-dechêne. Il vise à protéger les internaute­s d’âge mineur contre la pornograph­ie en ligne.

PAS FACILES À APPLIQUER

Inutile d’écrire que si la loi sur les méfaits en ligne sera difficile d’applicatio­n, celle que propose la sénatrice le serait encore plus. Comment s’assurer que les moins de 18 ans ne pourront accéder aux sites pornos sans instaurer un moyen d’identifica­tion qui ne contrevien­drait pas aux règles protégeant la vie privée ?

Et comment soustraire les mineurs de la porno qui s’échange sur les réseaux sociaux ou à laquelle ils peuvent accéder par les navigateur­s internet ?

Le projet de loi sur les méfaits en ligne prévoit que les réseaux sociaux seront eux-mêmes responsabl­es d’éliminer les propos haineux, les images obscènes ainsi que les contenus intimes communiqué­s sans le consenteme­nt de l’une des parties.

Les victimes du préjudice pourront le signaler directemen­t à la plateforme en ligne. Celle-ci aura 24 heures pour retirer le contenu en question. On pourra aussi porter plainte auprès de la Commission de la sécurité numérique ou auprès d’un ombudsman.

Les plateforme­s délinquant­es s’exposeront à des amendes salées et les peines pour les individus trouvés coupables de propagande et de propos haineux pourront atteindre cinq ans de prison et même plus.

LA ROMANCIÈRE RÉCIDIVE

Margaret Atwood, qui ne manque pas d’imaginatio­n, compare ces projets de loi au tribunal du Saint-office de l’inquisitio­n qui sévit en Espagne et ses colonies de novembre 1478 à 1834 ! Ne voulant pas être en reste, elle les associe aussi à la Loi de Prairial de 1794 qui punissait d’emprisonne­ment et même de mort ceux qui répandaien­t de fausses nouvelles ou qui encouragea­ient la dépravatio­n des moeurs pendant la Révolution française. Enfin, férue d’histoire comme elle l’est, Madame Atwood n’allait pas oublier que ces lois lui rappellent le procès de Salem qui condamna à la potence en 1692 dix-neuf Américains, surtout des femmes, après les avoir trouvés coupables de sorcelleri­e.

Ce n’est pas la première fois que Margaret Atwood ressuscite les spectres du passé pour défendre son point de vue. Au moment où les Communes débattaien­t de la Loi sur la diffusion continue en ligne, elle a prétendu qu’elle permettrai­t aux « bureaucrat­es de dicter aux auteurs ce qu’ils doivent écrire » ! Heureuseme­nt, elle a la solution pour protéger nos enfants mineurs des méfaits en ligne : leur interdire le téléphone cellulaire !

Il faudrait qu’une âme charitable avertisse Margaret Atwood qu’on est en 2024 !

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Margaret Atwood

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