Deux agences de crédit mettent en garde le gouvernement Legault
Les perspectives économiques moroses pourraient, à moyen terme, affecter le taux des emprunts de l’état
DBRS Morningstar et Moodys n’ont pas été impressionnées par le budget du ministre Eric Girard, qui a dû se défendre aujourd’hui.
« Les perspectives financières se sont clairement détériorées, reflétant une économie provinciale stagnante, des augmentations salariales plus élevées que prévu dans le secteur public et une baisse des revenus d’hydro-québec », souligne l’agence DBRS Morningstar dans leur rapport au lendemain du budget.
Les agences de crédit, ou firmes de notation financière, donnent des cotes de crédit aux gouvernements, ce qui influence les taux d’emprunts de ces derniers sur les marchés internationaux.
« Cependant, l’économie vaste et diversifiée de la province ainsi que son historique de solide gestion financière devraient conférer une stabilité à son profil de crédit », ajoute la firme, qui conclut qu’« à moyen terme, ces perspectives moroses pourraient affecter l’évolution des notations de crédit du gouvernement provincial ».
« ON A EU DES MISES EN GARDE DE MOODY’S ET DBRS SUR LES FINANCES PUBLIQUES DU QUÉBEC : DÉFICIT RECORD, PASDEPLANDERETOURÀ L’ÉQUILIBRE BUDGÉTAIRE EN SONT LA CAUSE (...) LA CRÉDIBILITÉ DU MINISTRE DES FINANCES, JE SUIS DÉSOLÉ, MAIS JE COMMENCE À VRAIMENT EN DOUTER »
– Frédéric Beauchemin, porte-parole de l’opposition officielle en matière d’économie
DÉFICIT DE 11 MILLIARDS $
Rappelons que dans son budget dévoilé mardi, le gouvernement Legault prévoit un déficit record de 11 milliards $ pour l’exercice budgétaire 2024-2025. C’est presque deux fois plus que les déficits des deux années précédentes.
« La baisse des résultats budgétaires est un constat négatif de crédit qui met en évidence les pressions auxquelles le gouvernement du Québec fait face tant sur les revenus que sur les dépenses », écrivent également les analystes de la firme de cotation Moody’s dans un rapport obtenu par La Presse.
« Ces pressions budgétaires sont telles que la province est limitée dans ses capacités d’utiliser la flexibilité fiscale [hausses de taxes et d’impôts, réductions de dépenses] que nous attribuons habituellement aux provinces canadiennes. »
LE MINISTRE GIRARD RÉAGIT
Le ministre des Finances, Eric Girard, était de très mauvais poil hier matin à l’assemblée nationale. Il a affirmé que les médias et les oppositions ne comprenaient pas le communiqué émis par les deux agences, en indiquant que les voyants étaient au jaune.
« Excusez-moi, vous n’êtes pas à la bonne place du tout […] Vous ne savez pas ce que vous dites », a-t-il affirmé. « Ces agences publient toujours des communiqués après un budget, c’est leur pratique normale. Il n’y a absolument personne qui prétend qu’un déficit de 1,5 % du PIB c’est positif, ni moi ni personne. Et, ce que les agences ont dit, c’est qu’un déficit élevé, ce n’est pas positif. »
Le ministre a ensuite rappelé que le Québec a des cibles de dette à long terme, et que la province a réitéré son engagement à revenir à l’équilibre budgétaire et que l’économie du Québec est diversifiée.
« Bref, c’était des avis professionnels émis par des gens qui font leur travail », a-t-il souligné.
LA CRÉDIBILITÉ DE GIRARD ATTAQUÉE
Le porte-parole en matière d’économie pour l’opposition officielle, Frédéric Beauchemin, a tenu des propos durs envers le ministre des Finances, s’attaquant à sa crédibilité.
« On a eu des mises en garde de Moody’s et DBRS sur les finances publiques du Québec : déficit record, pas de plan de retour à l’équilibre budgétaire en sont la cause […] La crédibilité du ministre des Finances, je suis désolé, mais je commence à vraiment en douter », a affirmé le député du Parti libéral du Québec, ajoutant qu’eric Girard s’était trompé dans ses prévisions économiques, sur l’inflation et sur ses prévisions budgétaires.
De son côté, le ministre de l’économie, Pierre Fitzgibbon, a dit qu’il ne « savait ce qu’il va arriver » avec la cote du Québec, mais qu’il est « très confiant » que M. Girard pourra « convaincre les agences que le Québec va s’en sortir ».
« Écoutez, on ne sait pas ce qui va arriver. Ce que je peux dire, c’est que le plan de M. Girard, il a beaucoup d’expérience là-dedans […] Je pense qu’il comprend ce que les agences veulent entendre », a-t-il déclaré.