Le Journal de Quebec

La réforme va changer quoi dans les poches des parents ?

- emmanuelle.gril@ quebecorme­dia.com

Le gouverneme­nt du Québec a déposé un projet de loi, qui, s’il est adopté, va changer la donne sur le plan financier pour les parents en union de fait qui se séparent.

Au Québec, 42 % des couples sont en union libre, le record du monde. Or, les conjoints de fait n’ont pas les mêmes droits que les couples mariés.

« Il y a beaucoup de fausses croyances. Les gens ne savent pas qu’il y a une énorme différence entre les deux statuts. Ils s’imaginent qu’ils ont les mêmes droits et ne réalisent qu’après la séparation que ce n’est pas le cas », explique Isabelle Bérard, planificat­rice financière chez Gestion financière Assante ltée, Major Gestion Privée.

Le projet de réforme du droit de la famille va changer partiellem­ent la donne. « C’est un bon début, mais cela demeure incomplet. Ainsi, on ne prévoit pas la possibilit­é de demander de pension pour conjoint ni le partage des régimes de retraite », indique Isabelle Bérard, qui salue toutefois certains progrès notables.

RISQUES ACCRUS DE S’APPAUVRIR

Il faut savoir qu’en union libre, qu’il y ait des enfants ou pas, les conjoints conservent les biens qu’ils ont acquis durant la vie commune. Les couples peuvent toutefois prévoir d’autres dispositio­ns, le partage de certains biens par exemple, par le biais d’un contrat de vie commune.

« Mais au Québec, les statistiqu­es montrent que seulement 5 % des couples en union libre en ont signé un. Les gens n’en font pas, car cela nécessite de réfléchir à une éventuelle séparation, et ils préfèrent ne pas y penser », remarque Isabelle Bérard, qui ajoute qu’au bout du compte, les risques de s’appauvrir après une séparation sont plus élevés en union de fait.

D’ailleurs, selon la professeur­e et sociologue Hélène Belleau, des inégalités par rapport à l’argent persistent toujours au sein du couple. Les femmes sont les grandes perdantes et l’absence de législatio­n pour les conjoints de fait exacerbe cette iniquité. En effet, les recherches qu’elle a réalisées avec son équipe démontrent qu’au Québec, les pères ont un revenu médian deux fois plus élevé que celui des mères. Dans certaines régions où les écarts salariaux sont très importants et où plus de 50 % des couples sont en union libre, les contrecoup­s financiers d’une rupture sont particuliè­rement désastreux pour les femmes.

CONSÉQUENC­ES DU DIVORCE

En revanche, la situation est radicaleme­nt différente si un mariage a été conclu. Dès lors, la loi considère qu’un patrimoine familial est constitué, et en cas de divorce, celui-ci est partagé automatiqu­ement entre les époux. Ce patrimoine comprend les résidences de la famille et leur mobilier, les voitures qui servent à transporte­r la famille, les droits accumulés dans des régimes de retraite durant la vie commune, ainsi que les gains inscrits au Régime de rentes du Québec. L’ex-conjoint pourrait aussi réclamer une pension pour lui-même.

Lorsqu’un enfant naît dans le cadre du mariage ou d’une union de fait, les parents qui se séparent peuvent avoir à verser une pension alimentair­e pour subvenir à ses besoins.

CE QUI VA CHANGER

Au Québec, 65 % des enfants sont issus d’une union libre. La réforme veut adapter le droit aux nouvelles réalités familiales et instituer un filet de sécurité qui va au-delà de la pension alimentair­e pour enfant.

Elle crée donc le statut de conjoints en union parentale. Cette union se forme dès que le couple a un enfant commun, qu’il fait vie commune et qu’il se présente publiqueme­nt en tant que couple. La formation de cette union entraîne du même coup la constituti­on d’un patrimoine d’union parentale, composé de la résidence familiale, de ses meubles, et des véhicules automobile­s utilisés pour les déplacemen­ts de la famille.

Qu’est-ce que cela signifie concrèteme­nt pour les couples en union de fait ? Lors d’une séparation, ces biens seront séparés à parts égales entre les conjoints. Le couple a aussi la possibilit­é de bonifier ce patrimoine et d’y ajouter d’autres biens s’il le souhaite. Il peut également choisir de retirer des biens de ce patrimoine ou de s’y soustraire complèteme­nt. Le retrait partiel ou total doit toutefois être effectué par acte notarié et ne peut être fait avant le début de l’union parentale. Enfin, en cas de rupture, les conjoints en union libre peuvent renoncer à tout ou partie du patrimoine d’union parentale.

« Mais attention, car ce patrimoine ne s’appliquera qu’aux couples dont l’enfant est né ou a été adopté après l’entrée en vigueur de la loi. C’est un gros bémol. Ce projet de loi pourrait donc laisser croire à tous les parents en union de fait qu’ils sont protégés, ce qui n’est pas le cas », déplore Isabelle Bérard. Les conjoints en union libre n’ont toujours pas les mêmes droits que les couples mariés, c’est pourquoi le contrat de vie commune constitue encore une bonne façon de se protéger.

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