LUIGI DU PARMESAN, LE PETIT DIABLE DE VEZZANO, PROVINCE DE PARMA, UN GRAND AMOUREUX ET PASSIONNÉ DE SON MÉTIER
Les secrets de la réussite unique du Parmesan
Entrevue originale publiée dans le magazine La Voce. Il est rare, dans le milieu de la restauration, de fêter à la fois les cinquante années d’existence de son restaurant et ses soixante-dix ans de métier. C’est pourtant le cas de Luigi Leoni, le propriétaire du Restaurant Parmesan. Voici un entretien permettant de retracer avec lui les grandes étapes de son cheminement dans le métier.
Y a-t-il un lien entre votre enfance et votre carrière de restaurateur?
Enfant, j’étais un petit diable qui faisait les quatre cents coups. J’étais fasciné par un clown de Parma, peu connu ici, du nom de Stopai. L’amour et la passion que je retrouvais chez ce personnage, je les ai transposés dans la restauration. Mon père était un blagueur né. Je tiens de lui mon goût pour les blagues; pour surprendre et faire rire les clients. Ma soif de connaissances était insatiable. Assis aux côtés de mon père devant le foyer, nous plongions ensemble dans les pages d’innombrables ouvrages. Parmi eux, les romans palpitants d’emilio Salgari étaient mes préférés.
Où et quand avez-vous fait vos premiers pas dans la restauration?
Je fus d’abord barman à Milan, pour ensuite «waiter» dans plusieurs hôtels en Italie. Puis, j’ai eu l’opportunité de prendre de l’expérience dans une douzaine d’hôtels cinq étoiles dans plusieurs pays européens, notamment en France et en Angleterre, ce qui m’a permis d’apprendre le français et l’anglais. J’ai eu la chance de devenir, à 24 ans , le 2e maître d’hôtel du prestigieux Corte dei Butteri, au bord de la méditerranée.
À quel moment et pourquoi, vous vous retrouvez au Canada?
J’ai eu la chance de rencontrer au Grand hôtel Palace Napoléon, en Corse, un personnage extraordinaire, Robert Poulin, client de l’hôtel et avocat montréalais propriétaire du Journal Allo Police, avec qui je me suis lié d’amitié et qui me fit parvenir mon premier contrat de travail au Canada. Un jour, il me dit qu’il aurait aimé avoir un autre fils comme moi, un compliment qui me toucha profondément. C’est ainsi qu’avec mon esprit d’aventure et ma soif de découverte, je suis arrivé au Canada en 1967, lors de l’exposition universelle. J’ai ensuite travaillé dans plusieurs grandes villes du Canada et des États-unis. Nul n’est prophète dans son propre pays. Je cherchais de nouveaux horizons.
Et là, vous arrivez à Québec?
Lors d’une première visite avec un collègue, j’ai vraiment été séduit par la ville, la gentillesse des gens, son caractère médiéval et sa dimension européenne qui se reflétait même dans sa gastronomie. C’est ainsi que j’y ai posé mes valises pour de bon. J’ai dès lors servi dans plusieurs grands restaurants d’ici : l’ambassadeur, le Monseigneur, Chez Guido, La Ripaille, le Café d’europe et le Continental, toujours en opération. Ces expériences m’ont permis de raffiner ma vision de la restauration et ma perception des attentes des clients.
C’est le rêve de bien des maîtres d’hôtel de vouloir créer leur propre restaurant?
Effectivement, mon associé César et moi avons conçu et développé notre restaurant, en y mettant tout notre coeur et notre expérience. Quarante-cinq années d’effort et de souci du détail à peaufiner notre menu, notre service et notre décor, avec l’ambition de faire vivre à nos clients une expérience gastronomique unique. Nous avons pu compter sur l’appui financier de trois mousquetaires qui ont cru en nous : Dominico Masciotra, Berto Borzoni et Isidoro Zuncheddu .Je leur en suis très reconnaissant.
Comment votre restaurant a-t-il su s’intégrer au milieu?
Nous y sommes parvenus en tablant sur la générosité. Nous offrons une expérience gastronomique en choyant notre clientèle. Nous cherchons à la fidéliser, afin qu’ils se sentent chez eux. Il y a beaucoup de petites attentions : l’ambiance avec un accordéoniste tous les soirs, les drôleries à l’italienne avec les «barzelette» et des gratuités, à l’occasion, offertes aux clients en appréciation de leur visite. Nous redonnons également au milieu. Avec l’organisation d’un souper gastronomique annuel, nous avons soutenu les oeuvres du Père Bernier du Patro Rocamadour. Celui-ci a pu compter sur nous, pendant des années, pour aider les jeunes défavorisés de la ville. Depuis son décès, nous faisons de même pour la Fondation de Soeur Angèle. Nous redonnons aussi à travers les emplois bien rémunérés que nous créons et la formation que nous donnons collégialement dans tous les métiers de la restauration. Le Parmesan s’est révélé une véritable institution de formation et plusieurs de nos anciens employés excellent dans d’autres établissements.
Le restaurant le Parmesan a reçu plusieurs distinctions à travers le temps. Vous en êtes fiers?
Oui. Nous étions particulièrement sensibles à celles qui venaient du milieu. Par ailleurs, nos murs illustrent, à plusieurs endroits, les bons moments passés chez nous par de nombreuses vedettes sportives, politiques ou artistiques, nationales ou internationales. Lors de Rendez-vous 87, un championnat mondial de hockey, nous avons reçu, le même soir, quelque trente-sept médaillés d’or internationaux. Nous avons été nommés comme l’un des plus prestigieux et authentiques restaurants italiens dans le monde et avons été invité à Rome par le Président italien Scalfaro pour recevoir cet honneur. Le rayonnement international n’a jamais été notre premier objectif. Notre ambition est plutôt d’offrir une expérience gastronomique spéciale. Cela commence par la qualité de nos chefs qui orchestrent un menu à la fois simple et raffiné, avec des produits locaux et frais : notre prosciutto maison, notre saumon fumé ,des vinaigres balsamiques vieillis, que je prépare d’ailleurs moi-même. L’originalité, c’est aussi dans le décor, avec notre collection de plus de quatre milles bouteilles d’alcool, venant de tous les horizons, notre salon Ferrari, dédié au coureur automobile Gilles Villeneuve, avec son buste en bronze unique au Canada. En Italie, on parle de lui comme le «messie». Aussi, nos ballons de soccer, en référence à ce sport mythique italien, adopté maintenant par les québécois. Le restaurant a vu également défiler de nombreux artistes, chanteurs et accordéonistes qui sont venus enrichir cette ambiance si particulière au Parmesan.
Quel est le secret de votre réussite ?
Je me sens à la fois anglais, sicilien et éléphant. J’ai toujours voulu faire un travail impeccable, avec le souci de la perfection et des petits détails. Ensuite, j’ai eu dans les affaires, comme dans la vie privée, le respect de la parole donnée. Comme le disait Mère Teresa, il n’y a pas de pire défaut que le mensonge. J’ai toujours pu compter sur l’amitié de personnes de grand talent comme Jean Tremblay, une sorte de petit Leonardo da Vinci, un partenaire et un grand ami, qui a toujours été là pour me donner de bons conseils. Au fil des ans, j’ai tiré des leçons des grands penseurs tels qu’albert Einstein, Confucius et Léonard De Vinci. J’ai absorbé leurs aphorismes, proverbes et dictons, les intégrant dans ma propre philosophie de vie. Aujourd’hui je m’inspire des génies du 21e siècle, tels qu’elon Musk.
Vous êtes encore en renouvellement?
Oui. Nous avons renouvelé notre menu et y avons ajouté de nouvelles spécialités. Nous avons un nouveau chef qui perpétue l’excellence de la table du Parmesan dont nous sommes très fiers. Avec le départ de mon ancien associé, César, le restaurant compte sur l’apport de nouveaux jeunes associés. Moi, je reste à la barre et je veille au grain, afin que tout soit impeccable. Je demeure un simple maître d’hôtel, qui adore son métier, celui de recevoir et d’amuser les clients pour leur offrir une belle expérience. Je vois l’avenir d’un très bon oeil avec Stéphane Roveredo, qui assure la relève. Nouvellement associé, il cumule plus de 25 ans d’expérience au Parmesan et peut compter sur ses trois mousquetaires pour l’accompagner.
Avec ce renouveau, les talents d’un accordéoniste sur place chaque soir, une ambiance unique et de nouvelles surprises, c’est la DOLCE VITA qui continue au Parmesan !