Le travail, un milieu difficile pour les trans
PARIS | (AFP) Lorsqu’il a commencé sa transition de genre, Charly, employé dans un supermarché en Bretagne, a eu l’impression de se métamorphoser en « créature » aux yeux de ses collègues. Questions indiscrètes et railleries sur ses transformations physiques étaient devenues quasi quotidiennes.
« J’ai craqué plusieurs fois, comme ce jour où, alors que je venais de me faire agresser dans la rue, mon patron m’a dit que je l’avais bien cherché », raconte-t-il.
Comme d’autres personnes transgenres, Charly, qui a débuté sa transition en 2020, a été pris en étau entre un « harcèlement » au travail devenu invivable et la nécessité de financer des opérations et traitements coûteux.
Plus de 80 % des personnes transgenres et non binaires déclarent avoir vécu des expériences professionnelles négatives lors des 12 derniers mois, selon une enquête de BCG Consulting, menée en 2023 en France.
Parmi les cas les plus cités figurent le fait d’être « mégenré » (être désigné par son ancien pronom, NDLR) et la mise à l’écart par des collègues. Plus grave, 43 % des répondants déclarent avoir été victimes d’au moins une agression ou inconduite sexuelle au cours de l’année passée.
« Lors de mon entretien d’embauche, on ne m’a posé que des questions centrées sur ce que j’avais dans ma culotte », illustre Anne (prénom modifié).
« SENTIMENT DE BANALITÉ »
Les agressions verbales continuent plusieurs mois après son embauche, jusqu’au jour où, lors d’une formation, elle dit subir une tentative de viol. « Lorsque j’ai prévenu ma hiérarchie, ils m’ont dit qu’ils ne voulaient rien savoir. »
Après une dépression, Anne saisit le Défenseur des droits sans, à ce jour, avoir déposé plainte. D’après Arnaud Alessandrin, sociologue spécialiste des questions LGBT+, seulement « 3 % des victimes de transphobie saisissent la justice », souvent « découragées par la quotidienneté des faits, qui crée un sentiment de banalité ».
« Encore faut-il pouvoir accéder au travail », ce qui reste une « exception » chez « les personnes qui sont trans de manière visible », souligne Clémence, membre de SOS homophobie, chargée des sujets liés à la transidentité.
Faute de trouver un emploi, de nombreuses personnes transgenres vivent la précarité, contraintes de vivre du travail du sexe ou de prestations sociales à un taux supérieur à la moyenne, affirme Arnaud Alessandrin.