Le Journal de Quebec

LES AILES DE LYNDA BEAULIEU

- Chroniqueu­se politique karine.gagnon@ quebecorme­dia.com

Lynda Beaulieu, co-fondatrice et présidente du théâtre Le Diamant, ne pense pas l’avoir déjà exprimé auparavant, mais son frère Robert Lepage, ce grand créateur, l’a carrément révélée à elle-même : en la poussant continuell­ement, confie-t-elle, il lui a donné des ailes.

« Je dirais qu’avant de travailler avec lui, j’étais la moitié de moimême », lance Lynda Beaulieu au sujet de son grand frère, auteur, réalisateu­r, metteur en scène et créateur bien connu.

Avec lui, capable de « faire naître des fleurs de la vase » – ce qu’elle admire le plus –, elle forme « un genre de duo très complément­aire ».

« Moi c’est plus le côté gestion, lui la création. Robert a les idées. Moi, ma job, c’est de l’accompagne­r et de faire que ça se réalise. »

Intronisée en début d’année à l’académie des Grands Québécois par la Chambre de commerce et d’industrie de Québec, Lynda Beaulieu a voulu, dans son discours de remercieme­nt, rendre hommage à son frère.

« J’aurais pu être la soeur d’al Capone, mais je suis la soeur d’un gars brillant, aimant, c’est un être exceptionn­el Robert », réitère-t-elle en entrevue. « Je suis sa soeur, j’en suis fière, mais pas juste pour ses talents. »

COMME DES JUMEAUX

Tous les deux n’ont que 14 mois de différence et on pourrait facilement croire qu’ils sont jumeaux, tant par leur ressemblan­ce physique que par leur connexion très forte.

Il faut la connaître un peu pour comprendre à quel point derrière cette femme en apparence un peu sévère se cache une boute-en-train avec un impression­nant sens de la répartie.

Lynda Beaulieu a elle aussi d’immenses talents de conteuse. Elle peut vous entraîner dans des récits rocamboles­ques à vous donner mal aux joues à force de rire.

« C’est un peu de famille », observet-elle. « Ma mère était conteuse, mon père était chauffeur de taxi, il faisait des tours de ville, il racontait la ville. Moi j’aime rire, avoir du plaisir. »

Ces mêmes parents ont inculqué très tôt aussi à leurs enfants l’importance de la famille, tout comme le sens de l’intégrité et de la vaillance.

« Quand tu es jeune et que t’as pas grand-chose, tu comprends que la famille c’est tout. Robert et moi, on l’a compris assez vite. Robert était assez atypique, il ne l’a pas eu aussi facile que moi, mais on l’a vécu ensemble. »

URGENCE DE VIVRE

Dans la pièce 887, Robert Lepage a pigé dans l’univers de leur enfance.

« Mon père était un homme très intègre, on avait l’heure juste tout le temps [...]. Il nous montrait que le travail ne tuait pas », se souvient Lynda Beaulieu.

Leur mère, une femme honnête avec un humour extraordin­aire, était très généreuse. Elle accueillai­t les « quêteux » à sa table, la fin de semaine, et a pris soin de parents âgés dans la maladie.

Elle aimait, comme Robert le fait avec le théâtre, désobéir à certaines règles, sortir des convention­s établies.

« Quand on parle d’elle, on ne pleure pas, on rit », raconte Lynda Beaulieu en référence à « toutes ces folies qu’elle faisait juste pour nous faire rire. »

Mariée à 17 ans avec son mari de toujours, dont elle porte le nom, Lynda Beaulieu avait déjà ses deux enfants à 22 ans.

« J’ai toujours tout fait de bonne heure », lance-t-elle. « J’ai côtoyé la mort très tôt [...], j’ai compris que c’était là et maintenant. »

Devenue aussi grand-mère de quatre enfants, dont deux sont atteints d’un trouble du spectre de l’autisme avec trouble sévère du langage, elle y est extrêmemen­t attachée. « Ils guident mes actions », dit-elle.

En ce qui concerne les deux qui ont des besoins particulie­rs : « Mes deux petits brisés, je ne les changerais pas pour des neufs, je vous jure, ils sont extraordin­aires [...]. Chaque petit mot qu’ils réussissen­t à dire, on applaudit, on fête, on célèbre. Ce sont des enfants qui nous apportent beaucoup de bonheur. »

MILIEU D’HOMMES

Avant de se joindre à son frère, Lynda Beaulieu a travaillé pendant 21 ans pour une compagnie d’aqueduc, d’égout et de plomberie. Dans ce monde d’hommes, elle a appris à faire sa place et à se faire respecter.

Puis sur son lit de mort, en 1992, son père lui a suggéré qu’elle devrait aller travailler avec son frère. « Je me suis dit que c’était drôle qu’il me dise ça, à la veille de mourir. »

Lors d’un voyage à Venise, Robert a évoqué cette possibilit­é qu’elle vienne travailler avec lui. Les paroles de son père lui sont revenues.

« J’ai dit, écoute papa, je vais t’écouter pour la dernière fois, et trompe-toi pas ! Et il ne s’est pas trompé ç’a l’air, parce que je suis encore ici et on fait une bonne équipe, je pense. »

Il y a bien eu quelques accrochage­s au début. Mais tout s’est rapidement placé et ils sont sur les chapeaux de roue depuis.

ANNÉE SPÉCIALE

Cette année s’avère par ailleurs très spéciale. Le Diamant fête ses cinq ans, en même temps qu’ex Machina, compagnie de création multidisci­plinaire internatio­nale dont Robert est le directeur artistique, célèbre ses 30 ans.

À moins que la santé ne l’en empêche – et elle est très bonne –, la présidente du Diamant n’a nullement l’intention de prendre sa retraite.

Au travail, elle retrouve une confrérie extraordin­aire, une famille, un mot qui revient souvent dans sa bouche.

Son souhait, pour les cinq prochaines années, consiste à parvenir à attirer plus de jeunes au Diamant.

« Je nous souhaite sérieuseme­nt que les jeunes d’aujourd’hui délaissent un peu leurs tablettes et viennent voir ce qui se fait sur scène, viennent échanger, rencontrer, qu’ils sortent un peu de leurs maisons pour venir voir que les arts vivants sont importants et font grandir. »

Le message est lancé.

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PHOTO AGENCE QMI, RENÉ BAILLARGEO­N Lynda Beaulieu a été intronisée, en début d’année, à l’académie des Grands Québécois par la Chambre de commerce et d’industrie de Québec.
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À ne pas manquer, mercredi soir à 20 h 30, sur les ondes de Matv (chaîne 9 [Helix et illico], 609HD [illico]), l’émission Le Carnet de Karine à propos de Lynda Beaulieu.
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