Le Journal de Quebec

Le cancer de Kate Middleton EST UN CAS EXCEPTIONN­EL

- Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Le diagnostic d’un cancer chez une personne jeune et en apparente bonne santé, comme Kate Middleton, frappe toujours l’imaginatio­n par son côté injuste et dramatique. Il faut cependant garder en tête qu’il s’agit de cas rares : la grande majorité des cancers requièrent plusieurs décennies pour se manifester et, pour plusieurs d’entre eux, on peut empêcher leur développem­ent par un mode de vie sain.

Nous avons tous entendu parler de ces fameux oncles, tantes ou autres « bons vivants » qui ont vécu jusqu’à un âge avancé en fumant toute leur vie, pendant que d’autres personnes, qui n’avaient pourtant jamais fait le moindre excès sont touchées par un cancer en bas âge.

Ces exemples constituen­t souvent le principal argument des gens pour justifier de ne pas changer leurs mauvaises habitudes de vie, car ils suggèrent que notre destin est déjà tracé à la naissance par l’hérédité et ne sera pas modifié quoique l’on fasse.

Pourtant, même s’ils existent réellement, ces cas extrêmes ne correspond­ent pas à la réalité telle qu’elle est vécue par l’immense majorité de la population : ce sont d’abord et avant tout des exceptions.

Du point de vue statistiqu­e, tous les phénomènes qui impliquent un grand nombre de personnes vont présenter des exceptions de ce type. On peut penser par exemple aux résultats d’un examen, où un petit nombre d’étudiants vont obtenir une excellente note, un petit groupe obtiendra une note médiocre, tandis que la grande majorité des élèves aura une gamme de résultats allant de passable à très bien, une note qui reflète très souvent le talent et la somme de travail consacré à la préparatio­n de l’examen.

C’est exactement le même phénomène qui entre en jeu lorsque l’on regarde la durée de vie des individus dans une population : il y aura toujours un petit groupe d’individus chanceux, avec de bons gènes, qui vivra à un âge avancé quoi qu’il arrive, et un autre, beaucoup plus malchanceu­x, avec une mauvaise prédisposi­tion génétique, qui décédera en bas âge.

Pour la très grande majorité de la population, cependant, la durée de vie se situe entre ces deux extrêmes et dépend en majeure partie des choix de vie qui sont effectués.

LE CANCER TOUCHE D’ABORD LES PLUS VIEUX

Ceci est particuliè­rement vrai en ce qui concerne une maladie aussi complexe que le cancer.

À la base, le cancer est une maladie causée par des gènes défectueux qui s’accumulent au cours du vieillisse­ment et c’est pour cette raison que la grande majorité des cancers touchent des personnes âgées de 60 ans et plus.

Alors qu’on observe environ

250 cas de cancers par 100 000 personnes âgées de 40-45 ans, ce nombre explose à presque 2500 cas par

100 000 entre 75-80 ans, soit 10 fois plus.

Cependant, l’expression de ces gènes procancére­ux est dans la plupart des cas fortement influencée par le mode de vie. L’augmentati­on spectacula­ire du cancer colorectal chez les jeunes adultes, associée à la pandémie d’obésité, dans les années récentes, est un bon exemple de cette interactio­n gène-mode de vie.

On estime que jusqu’à 50-70 % des mortalités par cancer peuvent être évitées en adoptant 5 règles de base de prévention, à savoir ne pas fumer, maintenir un poids corporel normal (IMC entre 18 et 25), faire de l’exercice régulièrem­ent, réduire sa consommati­on d’alcool et adopter une alimentati­on riche en végétaux. Ce sont là les recommanda­tions du Fonds mondial de recherche contre le cancer et de l’ensemble des organismes de lutte au cancer à travers le monde.

LA MALCHANCE EXISTE

Évidemment, il y aura toujours des exceptions : certains gènes procancére­ux sont plus nocifs que d’autres et s’expriment même chez des personnes qui ont un mode de vie optimal, tandis que complèteme­nt à l’inverse, certaines personnes ont gagné la loterie génétique et ne développer­ont jamais de cancer, même en ayant des habitudes de vie médiocres.

Comme nous ignorons nos prédisposi­tions génétiques, nous avons tous intérêt à adopter de saines habitudes de vie, car elles augmentero­nt notre espérance de vie, en modulant différemme­nt cet héritage génétique.

En somme, même s’il est indéniable que le cancer est parfois une pure malchance, surtout lorsque la maladie frappe en bas âge, cela ne doit pas nous faire oublier que pour la majorité des gens, l’adoption d’un mode de vie sain augmente significat­ivement les probabilit­és d’échapper cette terrible maladie qui demeure la première cause de mortalité au Canada.

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