Le Journal de Quebec

Avec la montée de l’incivilité, il y a péril en la demeure

- Josée Legault Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique

Le climat social se détériore. L’incivilité est en hausse. À moins de vivre dans une caverne, impossible de le nier. De plus en plus d’élus et de journalist­es se font aussi invectiver et menacer. Ici comme ailleurs.

Ça se passe surtout dans l’anonymat des médias sociaux, mais de plus en plus souvent, la confrontat­ion explose en personne. Plus encore en politique fédérale où la sécurité des élus est à géométrie dangereuse­ment variable.

Le fond de l’air est à l’agressivit­é. C’est évident. Prêtons attention parce qu’elle mine notre capacité à vivre ensemble malgré des désaccords musclés.

Si le climat social se dégrade, plusieurs facteurs l’expliquent. Parmi eux, l’isolement extrême de la pandémie, le complotism­e, les médias sociaux et les écarts de richesse qui se creusent.

Depuis l’automne, l’éclatement du conflit Israël-hamas à la suite du massacre perpétré le 7 octobre par le Hamas en sol israélien fait le reste. Partout en Occident s’ajoute même le retour en force de l’antisémiti­sme.

Des personnes et institutio­ns juives sont menacées. Sur des campus universita­ires, dans la rue ou des centres commerciau­x, des manifs pro-palestine virent souvent en appel à l’éradicatio­n d’israël.

La combinaiso­n d’une montée alarmante de l’antisémiti­sme et d’une guerre sanglante à Gaza fait aussi qu’il n’y a pas moyen de s’entendre même sur une base minimale.

Cette base étant le droit d’israël d’exister et de se défendre, la barbarie haineuse du Hamas et la quête légitime du peuple palestinie­n pour un État.

AU PÉRIL DE SA SÉCURITÉ PERSONNELL­E

Comme ministre des Affaires étrangères d’un gouverneme­nt Trudeau peinant à trouver ses propres repères moraux dans ce conflit, Mélanie Joly en fait les frais au péril de sa sécurité personnell­e.

En fin de semaine, alors qu’elle marchait paisibleme­nt dans son quartier, un militant propalesti­nien l’a haranguée agressivem­ent en filmant la scène à des fins de propagande sur les médias sociaux. Où était la sécurité ? Sacrée bonne question.

En janvier, des manifestan­ts propalesti­niens ont aussi publié des affiches indiquant l’endroit où elle réside à Montréal. Dans ces deux cas, il ne s’agit pas de liberté d’expression, mais du harcèlemen­t physique d’une ministre jusque dans sa vie privée.

Au fédéral, avant qu’un drame ne frappe des élus, qu’attend-on pour assurer pleinement leur sécurité ?

DÉVALORISA­TION TROUBLANTE

Derrière ce phénomène se cache aussi une dévalorisa­tion troublante des élus et des Parlements. Comment expliquer autrement que des gens se sentent investis du « droit » d’invectiver, de harceler ou de menacer physiqueme­nt des élus ?

Au-delà d’une incivilité qu’on sent monter dans nos propres vies quotidienn­es, il y a ici une défiance, pour ne pas dire un mépris ouvert, envers les institutio­ns sur lesquelles la démocratie moderne repose.

Cette tendance à insulter et menacer est tellement sérieuse que mardi, dans le Globe

and Mail, une brochette de personnali­tés publiques, d’universita­ires et d’ex-élus, dont Jean Charest, signaient une lettre ouverte sur le sujet.

Leur message aux gouverneme­nts est clair. Sortez du déni. Exercez un leadership pacifiant dans la société. Pour comprendre et contrer les causes de cette montée de l’incivilité et de la haine, investisse­z dans la recherche et l’éducation.

À cette liste, j’ajouterais, comme je l’écrivais il y a un mois, l’urgence d’amoindrir le désarroi ambiant par des politiques plus justes et plus humaines.

Sans quoi notre vie démocratiq­ue en pâtira autant que notre capacité vitale à transiger entre nous comme citoyens de la Cité.

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