Le Journal de Quebec

Il n’existe pas de victimes parfaites

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Dans ma chronique de jeudi dernier, j’écrivais sur Robert Miller, cet individu qui aurait mis en place un système pour exploiter sexuelleme­nt des mineures avec la complicité de plusieurs individus, dont certains auraient eu pour tâche de dissimuler ses agissement­s et d’autres, d’alimenter son réseau.

Avec près d’une quarantain­e de victimes potentiell­es dans cette affaire, je m’interrogea­is sur le silence du DPCP et du SPVM depuis la révélation de cette sordide histoire. Que font-ils ? Y a-t-il une ou des enquêtes en cours ?

Une victime présumée de Miller m’a contactée à la suite de cette chronique. Elle voulait m’assurer que plusieurs femmes, dont elle, avaient effectivem­ent déposé des plaintes au criminel. Je vais l’appeler Sacha.

Sacha aurait été recrutée à 14 ans par une autre victime de Miller.

Elle le rencontrai­t à l’hôtel Le Reine

Elizabeth. Très vite, on lui aurait demandé de recruter d’autres filles. C’est ce qu’elle va faire.

Sacha a donc porté plainte juste après avoir vu le reportage de Radiocanad­a, en février 2023. Le processus pour trouver le bon poste de police pour déposer sa plainte aurait été, pour elle, un véritable parcours du combattant, sans parler de la ligne d’urgence en exploitati­on sexuelle qui ne fonctionna­it pas.

Depuis, elle attend que des accusation­s soient portées. Cela lui aura pris, dit-elle, plusieurs mois avant de rencontrer un procureur.

Je n’entrerai pas dans les détails de la manière dont elle soutient avoir été traitée par la police… Quoi qu’il en soit, Sacha me dit avoir failli tout laisser tomber, mais elle résiste.

Elle veut à tout le moins que Miller soit poursuivi, même s’il est vieux et malade. Elle veut que cela se fasse au nom de toutes ces adolescent­es qui sont vraisembla­blement devenues des femmes brisées.

EMPRISE

Sacha fait partie de la catégorie des victimes qui peut susciter des sentiments ambivalent­s lorsqu’on ne sait pas comment fonctionne un réseau d’exploitati­on sexuelle. C’est un système pervers qui prend rapidement le contrôle des victimes par la peur, l’argent ou l’amour, bien souvent tout cela à la fois, pour les amener à devenir des complices et des marchandis­es. Bien souvent, les deux à la fois.

Sacha fait donc partie de ce que le système de justice ne dit pas, mais pense très fort : une victime imparfaite. Dans cette catégorie, vous pouvez inclure celles dont la mémoire est défaillant­e ; les consommatr­ices de drogue ; celles qui refusent d’en dire trop par peur ou qui mentent sur certains détails trop humiliants.

QUE FONT LES PROCUREURS ?

Cependant, lorsque Sacha me raconte sa saga avec le système de justice, je tombe des nues. Moi qui croyais qu’on avait fait de grandes avancées en matière de traitement des victimes. Qu’on avait compris qu’avec ce genre de dossier, il n’existe pas de victimes parfaites.

Sacha me dit ne pas être la seule à avoir déposé une plainte au criminel. Or, plus d’un an plus tard, pourquoi n’y a-t-il toujours aucune accusation ?

Une de mes sources, dans cette affaire, m’a confié que certaines victimes ayant participé à des reportages auraient subi de la pression de la part de procureurs et policiers afin de signer des autorisati­ons leur permettant d’avoir accès à ces entrevues accordées à des médias. Pourquoi faire cela ? Quel est l’objectif ?

C’est à n’y rien comprendre ! Que veulent-ils de plus pour déposer des accusation­s ?

Moi qui croyais qu’on avait fait de grandes avancées en matière de traitement des victimes. Qu’on avait compris qu’avec ce genre de dossier, il n’existe pas de victimes parfaites !

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Robert G. Miller.
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