Le Journal de Quebec

Ingérences fédérales : c’est Noël en avril...

- Josée josee.legault@quebecorme­dia.com

En chute libre dans les sondages, Justin Trudeau joue son va-tout. À quelques jours du budget, il fait pleuvoir des milliards qui, dans les faits, sont ses futures promesses électorale­s. Bref, c’est Noël en avril.

Il promet des investisse­ments massifs pour la constructi­on de logements. Une charte des droits des locataires. Un registre national des loyers. Un nouveau programme de 1,5 milliard $ pour la protection des loyers.

Il promet plus de repas gratuits dans les écoles. Plus de garderies. Une assurance-médicament­s et une assurance dentaire pancanadie­nnes. Etc.

Son but ? Devant l’avance tenace des conservate­urs de Pierre Poilievre – et sa capacité à frapper auprès des plus jeunes sur le clou de la crise de l’habitation –, le premier ministre libéral tente d’occuper des terrains similaires.

Ce faisant, il forcera M. Poilievre à se commettre. Ou il maintient ces nouveaux programmes et il en perdra l’avantage. Ou il les renie et les électeurs sauront qu’un gouverneme­nt conservate­ur serait moins généreux.

Dans les capitales provincial­es, particuliè­rement à Québec, la classe politique est estomaquée par cette multiplica­tion soudaine d’ingérences fédérales dans leurs propres juridictio­ns.

Au Canada, la frontière entre compétence­s fédérales et provincial­es est néanmoins plus poreuse qu’on le pense. Prenez la santé, une juridictio­n provincial­e, mais régie par la Loi canadienne sur la santé censée garantir à tous les Canadiens des soins gratuits, accessible­s et universels.

Dans certaines provinces, et plus encore au Québec, c’est pourtant de moins en moins le cas. C’est ici qu’on arrive à ce qui rend possible, politiquem­ent parlant, le Noël en avril de Justin Trudeau.

LA NATURE A HORREUR DU VIDE

Des provinces se traînant les pieds dans des dossiers cruciaux, dont la crise du logement, Justin Trudeau y voit sa chance d’agir là où elles ne le font pas.

La nature ayant horreur du vide, il s’érige à leur place en grand défenseur des locataires, des enfants qui ne mangent pas à l’école, des Canadiens incapables de se payer des soins dentaires, etc.

Or, si les provinces agissaient plus résolument pour le bien commun dans leurs propres champs de compétence, Justin Trudeau, même en désespoir de cause, n’aurait pas la moindre justificat­ion politique d’intervenir aussi lourdement dans leurs platebande­s constituti­onnelles.

Avec raison, on peut voir dans cette pluie de milliards fédéraux-libéraux une montagne soudaine de poudre aux yeux électorali­ste. On peut y voir aussi un fédéralism­e opportunis­te, centralisa­teur et même prédateur.

MIEUX GÉRER

Il n’en reste pas moins que sur le plan politique, la meilleure manière pour les provinces de court-circuiter ces ingérences fédérales eût été de mieux gérer dans leurs propres juridictio­ns.

Que ce soit en organisant beaucoup mieux les réseaux publics de santé et de services sociaux. En établissan­t des programmes universels d’assurance dentaire et de repas dans les écoles.

En protégeant mieux les locataires aussi, par la création d’un registre public des loyers, l’imposition d’un moratoire sur les évictions et la multiplica­tion des mises en chantier pour des logements vraiment abordables.

Si c’était le cas, la ribambelle d’ingérences fédérales proposée par M. Trudeau serait ridiculisé­e par les Canadiens et les Québécois eux-mêmes.

Cela dit, les querelles de juridictio­ns ne sont pas un détail dans une fédération. C’est indéniable. Attention néanmoins au réel. Il n’est pas anodin non plus.

Quand des électeurs attendent des jours à l’urgence, voient des enfants avoir faim à l’école, sont évincés de leur logement ou forcés de rester dans un loyer insalubre parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer plus ailleurs, qui peut s’étonner de voir le grand frère fédéral leur promettre, que ce soit vrai ou pas, de s’en occuper ?

La nature ayant horreur du vide, Justin Trudeau s’érige à la place des provinces en grand défenseur des locataires, des enfants qui ne mangent pas à l’école, etc.

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