JENNIFER O’BOMSAWIN SONGE À LA CHEFFERIE À WENDAKE
Jennifer O’bomsawin n’a pas 30 ans mais compte déjà 13 ans d’expérience en politique autochtone, sujet qui captive cette jeune leader qui réfléchit à se présenter comme grand chef aux élections d’octobre, à Wendake.
Il faut remonter à 1992 pour trouver la première et seule femme à avoir été nommée grand chef de la Nation huronne-wendat, Jocelyne Gros-louis.
Comme elle s’intéresse à la politique, qu’elle est une jeune femme et qu’il pourrait y avoir une conjoncture favorable, Jennifer O’bomsawin a été pressentie par des gens de la nation pour se présenter.
Quiconque a pu échanger avec elle n’en sera pas surpris le moins du monde.
La réflexion, dit-elle, se fait plus concrète car le défi l’intéresse énormément.
TRÈS JEUNE
L’intérêt ne date pas d’hier, d’ailleurs. À 10 ans, raconte cette férue de politique, elle s’était présentée dans une assemblée à Wendake et avait confronté le grand chef en lui disant : « Un jour, je vais te remplacer. »
Dès l’âge de 12 ans, elle s’est impliquée dans des conseils des jeunes autochtones.
Plus tard, elle a aussi présidé le Conseil national des jeunes de l’assemblée des Premières Nations et représenté les jeunes autochtones du Québec et du Labrador.
« J’avais déjà cette fibre-là, j’avais envie de faire ça, de m’impliquer en politique, et j’ai tout le temps été appuyée par mon père. »
Wendate qui a grandi à Wendake, dans la région de Québec, et Abénakise d’odanak, dans le Centre-duquébec, la jeune femme s’enflamme lorsqu’elle parle des enjeux qui concernent son peuple.
« Je suis ce qu’on appelle une belle aberration de la Loi sur les Indiens, parce que dans les faits, rien ne prévoyait que deux autochtones [de deux nations] pouvaient se marier ensemble un jour. »
C’est aussi un « beau mix » entre deux nations qui, des fois, se chicanent et se déchirent, mais qui peuvent aussi incarner une belle harmonie, comme en témoigne l’union de ses parents.
SON PÈRE, UNE FIGURE MYTHIQUE
Son père, Luc O’bomsawin, avait un côté militant, était passionné par l’histoire de la culture abénakise et s’était beaucoup impliqué auprès des vétérans autochtones.
Il est décédé en 2019, d’un cancer fulgurant qui l’a emporté en trois semaines.
L’épreuve a été très rude pour leur famille, et sa soeur et elle ont tout arrêté pour s’occuper de lui, et ont pu parler beaucoup. Il lui a donné un conseil, si elle se lançait en politique : celui de ne jamais oublier sa famille. Conseil qu’elle retient, devenue maman depuis d’une petite fille.
« Il était très branché sur la spiritualité, il représentait un peu une figure mythique pour moi », souligne celle qui a eu envie de poursuivre les luttes que son père avait entamées.
Son père l’inspirera toujours, et elle conserve sa maison d’odanak. Elle retourne souvent y voir sa famille, avec qui elle a tissé des liens durant les sept ans où elle a senti le besoin de s’y installer, durant ses études.
INCURSION EN POLITIQUE QUÉBÉCOISE
Après avoir étudié et pratiqué le journalisme, à Radio-canada et à
TVA Québec, Jennifer O’bomsawin a fait une incursion en politique québécoise, au ministère des Affaires autochtones, avec les ministres Sylvie D’amours puis Ian Lafrenière.
Elle s’est retrouvée à faire partie du premier cabinet majoritairement autochtone au gouvernement du Québec.
« Je suis partie avec mon baluchon en me disant que j’allais venir défendre les droits des Autochtones », dit celle qui croit toujours au pouvoir de faire changer les choses.
Il y a eu la crise entourant l’affaire Joyce Echaquan, morte à l’hôpital après s’être fait insulter, une période très difficile.
Puis elle a décidé de retourner à ses premières amours et de s’impliquer à nouveau en politique autochtone.
Elle s’est dit : « Ma gang a besoin de moi, j’ai envie de revenir aux sources, d’apporter mon expertise et d’en faire bénéficier les membres de ma nation. »
Depuis trois ans et demi, Jennifer O’bomsawin s’est donc impliquée comme conseillère au cabinet du grand chef de la Nation huronnewendat, où s’est installé un nouveau leadership depuis l’arrivée de Rémy Vincent.
Elle a songé à se présenter d’abord, mais estimait avoir « encore des croûtes à manger ».
Ce faisant, celle qui était un peu comme « la femme de l’ombre » accompagnait et conseillait le grand chef et planchait sur des stratégies, de concert avec l’administration, qui compte
480 employés. Elle a beaucoup appris.
Le travail a en effet été colossal, notamment pour mettre en place les nouvelles valeurs et orientations.
Il a aussi fallu mettre en place, avec la nouvelle directrice, des bases de gouvernance qui étaient auparavant absentes.
Cet appel à changer les choses, que portait M. Vincent, l’a convaincue de s’impliquer. « Je pense qu’on laisse une nation en santé, prospère, avec de très belles relations. »
Ce dernier a annoncé récemment qu’il ne solliciterait pas de nouveau mandat.
D’AUTRES DÉFIS
Depuis quelques jours, Jennifer O’bomsawin a quitté aussi pour exercer comme consultante à son compte.
« Je suis partie vers d’autres défis pour éventuellement peut-être mieux revenir, dit-elle, c’est un peu ça l’objectif aussi. »