L’avortement : un boulet électoral pour Donald Trump
Revenu à l’avant-scène de la campagne présidentielle cette semaine, l’avortement sera un obstacle majeur sur le chemin du retour de Donald Trump.
Lundi, l’ex-président a émis un message vidéo qui expose la faiblesse de ses positions sur l’avortement, lui qui cherche à garder l’appui des extrémistes « pro-vie » tout en évitant de perdre les électeurs — et surtout les électrices — du centre qui seront la clé de la victoire en novembre.
Le moment aurait difficilement pu être plus mal choisi.
« MAKE AMERICA 1864 AGAIN »
Mardi, la Cour suprême de l’arizona annonçait le retour en vigueur d’une loi antiavortement de 1864 aussi draconienne qu’archaïque, qui avait été invalidée par l’arrêt Roe c. Wade en 1973 et qui criminalise presque tous les avortements.
C’est un des nombreux exemples de politiques restrictives et impopulaires instaurées depuis l’arrêt Dobbs c. Jackson Women’s Health Organization en juin 2022. Cette décision a rouvert la porte à la criminalisation de l’avortement, déjà en marche dans plusieurs États et réclamée au niveau fédéral par la droite religieuse et de nombreux élus républicains.
L’arrêt Dobbs a permis à Trump de claironner qu’il était le président qui a le plus fait pour le mouvement antiavortement. Là-dessus — une fois n’est pas coutume ! —, il a raison.
MÉNAGER LA CHÈVRE ET LE CHOU
Trump se félicite d’être responsable de l’arrêt Dobbs et souhaite laisser aux États la responsabilité de criminaliser ou non l’avortement. C’est une position qui ne satisfait à peu près personne.
La grande majorité des Américains favorise l’accès à l’avortement légal partout, encadré par certaines normes qui peuvent varier d’un État à l’autre. L’arrêt Dobbs a permis à de nombreux États de limiter sévèrement cet accès et les républicains ont écopé aux législatives de novembre 2022.
Trump en est conscient. C’est pourquoi il cherche à ménager la chèvre et le chou en s’appropriant le crédit pour Dobbs afin de garder l’appui de la droite religieuse tout en laissant les États prendre les décisions impopulaires pour ne pas s’aliéner les centristes.
HOUDINI PRIS AU PIÈGE ?
Ce tour de passe-passe pourrait dépasser les capacités de ce Houdini de la politique, qui a toujours semblé capable de sortir des pièges qu’il s’était concoctés lui-même.
Face aux pressions de la droite religieuse, Trump a perdu le contrôle sur plusieurs républicains du Congrès, partisans d’une politique restrictive fédérale, alors que les démocrates proposent de restaurer le populaire cadre juridique de Roe c. Wade par la voie législative.
Pour les jusqu’au-boutistes antiavortement, l’approche de Trump qui tolère la libéralisation dans certains États est moralement indéfendable. Trump n’a jamais eu de position morale ferme sur l’avortement, et, comme il l’avoue candidement dans son message, le principe primordial pour lui est la victoire électorale (qui lui évitera la prison).
Trump croit pouvoir gagner en caricaturant de façon grossièrement mensongère la position démocrate, mais Biden est en bien meilleure position sur cet enjeu.
Déjà, ses publicités montrent des témoignages dramatiques de femmes qui ont failli perdre la vie faute d’accès à un avortement thérapeutique dans leur État. Une annonce redoutablement efficace pour Biden se termine sur l’image d’un couple en pleurs, suivi d’une phrase massue : « C’est Donald Trump qui a fait ça ».
Ce tour de passe-passe pourrait dépasser les capacités de ce Houdini de la politique