Grâce à Attal, le Québec se sent moins seul
Le discours du premier ministre français, Gabriel Attal, à l’assemblée nationale, jeudi, fut des plus réussis. Mais c’est hier, en point de presse, qu’il a peut-être eu la phrase la plus touchante.
« Je suis là [...] pour dire aux Québécois que dans leur défense d’un modèle de laïcité [...], ils ne sont pas seuls. »
Ce thème de la « solitude québécoise » pourrait faire l’objet d’une thèse. Minorité nationale linguistique en Amérique du Nord, mais artificiellement majoritaire sur son territoire « provincial »... le Québec souffre de ce double statut.
Dominé comme minorité. Accusé d’être dominateur – plus récemment « colonisateur » – comme majorité.
Pourtant ultrasensible à l’importance de la « diversity », le reste du Canada prend quand même un malin plaisir à pourfendre, tourner en ridicule toute volonté de la part d’une majorité de Québécois de protéger des éléments de leur identité, en premier lieu le français.
Ces efforts, les dominants du Dominion adorent les réduire à des pulsions malsaines et assurément attentatoires, disent-ils, aux droits et libertés.
EUROPE
Depuis une vingtaine d’années, notre cas s’est aggravé. Puisque le rapport au religieux des Québécois diffère de celui qui est majoritaire dans le reste du continent (à cause du catholicisme, jadis au coeur de notre identité), nous avons développé une conception de la laïcité qui, bien que modérée, reste singulière en Amérique du Nord.
Elle s’apparente davantage à celle du Vieux Continent, adoubée à de multiples reprises par la Cour européenne des droits de l’homme.
Mais aux yeux de certains, la version québécoise, même « légère », est tout simplement scandaleuse, liberticide.
Justin Trudeau lui-même l’a déjà comparée à la ségrégation raciale américaine !
Un peu plus et la Ligue des droits et libertés, mardi, en commission parlementaire, donnait dans la même outrance. En renouvelant la disposition de dérogation dans la loi 21, l’assemblée nationale prolongerait « l’existence d’une loi raciste, sexiste, discriminatoire » !
On a envie de répliquer avec des mots de Gabriel Attal : « Face à ceux qui font mine de ne pas comprendre ce qu’est la laïcité, qui voudraient la détourner, faire croire qu’elle est une forme d’arme antireligion [...] de discrimination, nous répondons que la laïcité est la condition de la liberté, est la condition de l’égalité, est la condition de la fraternité. »
NUMÉRIQUE
L’autre solitude du Québec, c’est celle du numérique, où des géants américains et anglophones (qui font passer nos États pour des nains) ont tranquillement fait main basse sur l’espace public et les plateformes de diffusion culturelle.
Pendant qu’attal affirmait ici que la France et le Québec devaient se battre ensemble contre ces forces qui uniformisent les cultures, les ministres québécois et français de la Culture annonçaient à Paris une stratégie et un comité de travail.
Certains moqueront l’efficacité réelle de ces « comités ». Mais c’est tout de même mieux que l’indifférence de la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-onge, face aux efforts du Québec : « Faut croire qu’au royaume du “fédéralisme coopératif”, il est plus facile de bâtir une alliance avec la France qu’avec le fédéral », ironisait avec raison le constitutionnaliste Patrick Taillon, jeudi, sur X.