Dernière chance pour ceschats à l’article de la mort
Un refuge de Montréal a sauvé cette année plusieurs félins très souffrants que d’autres auraient euthanasiés
Olive et Popeye
Le frère et la soeur ont été trouvés dans une cour de Blainville en avril à l’âge de... trois jours. Au début, ils ont été nourris au biberon toutes les trois heures, jour et nuit. Comme plusieurs chats abandonnés, la santé d’olive est très fragile, avec entre autres une diarrhée permanente qui impose une nourriture spécialisée. Elle se cherche un foyer depuis la mi-septembre et pourrait bien terminer ses jours au refuge si elle ne trouve pas une famille d’ici quelques semaines. Quant à Popeye, il file le parfait bonheur après plusieurs visites à l’urgence. Il a été adopté le 5 novembre.
Joachin
Après avoir mis toutes ses économies dans de mauvais diagnostics pour son chat fiévreux qui refusait de manger et de boire, son propriétaire de Montréal s’est résigné à donner Joachin à l’urgence, qui a contacté le RSA. C’était finalement une amande qui obstruait sa gorge. Après une chirurgie, des complications et un passage de deux jours aux soins intensifs, Joachin se porte à merveille et a été adopté le 3 octobre.
Ébène
La « petite Gremlin » de quelques semaines de vie a été trouvée en septembre à Montréal, en partie dévorée par un prédateur, avec des asticots qui se nourrissaient à même ses plaies. La chatte a été transportée à l’hôpital vétérinaire de Saint-hyacinthe après des convulsions, où on a pensé qu’elle perdrait ses yeux. Tout allait mieux un mois plus tard lorsqu’on lui a diagnostiqué la panleucopénie, une maladie le plus souvent mortelle pour les chatons qui ne sont pas vaccinés. Mais la chatonne bionique avait une soif de vivre hors du commun. Aujourd’hui, elle se porte très bien. Elle a été le dernier chat du RSA adopté en 2023.
Impossible de tous les sauver
Ce chaton de deux semaines était nourri au biberon au RSA quand il est décédé dans son sommeil en août.
Shakira mangeait difficilement quand le vétérinaire a découvert une mâchoire coincée par l’arthrose. Ses reins étaient si mal en point qu’il était impossible de lui donner un anti-inflammatoire, alors il ne restait plus que l’euthanasie, une solution très rare pour ce refuge.
Un refuge de Montréal a déboursé des dizaines de milliers de dollars en 2023 pour donner une dernière chance à une poignée de chats au lieu d’abréger leurs souffrances.
« Russell a reçu des soins extrêmes. Son cas, c’était vraiment une profession de foi. La plupart des refuges auraient choisi de l’euthanasier », lance Lise Côté, responsable médicale du refuge montréalais Réseau secours animal (RSA).
On n’a pas de difficulté à la croire quand elle nous raconte l’histoire du chat de 5 ans récupéré à l’article de la mort sur le bord de l’autoroute 440, à Laval, en juin.
Il était rachitique, souffrait de trois fractures de la mâchoire et d’une au palais, probablement après avoir été frappé par une auto, et avait des larves qui se nourrissaient dans ses yeux, qu’on pensait devoir lui enlever.
Cinq mois plus tard, après quelques opérations, un gavage gastrique ainsi que de longues périodes à l’urgence et en clinique vétérinaire dans un incubateur comme celui des nouveau-nés pour le garder au chaud (photo au bas de cette page), Russell pète le feu.
Nous lui avons rendu visite chez Sigrid, sa famille d’accueil montréalaise, où il a pour ami Hugo, un chat à qui on a dû amputer une patte après avoir été tiré à la carabine.
JOUR ET NUIT
Pendant des mois, Sigrid avait laissé le code de la porte d’entrée chez elle pour que sept bénévoles se relaient jour et nuit pour lui prodiguer soins et médicaments. À elle seule, elle n’y serait pas parvenue.
Coût de la facture : plus de 10 000 $, soit le double de ce qui était prévu au départ. Tout ça grâce à une campagne de sociofinancement du RSA. Des dons de 5 $ à 200 $ provenant la plupart du temps de simples amoureux des chats.
Russell
Il a été trouvé en juin par une dame habituée de trapper des chats et de collaborer avec le RSA. Le refuge, qui reçoit des dizaines de bêtes mal en point chaque année, avait rarement vu cela.
Un citoyen ne pouvant avoir plus de deux chats avait pris ses soeurs et laissé Russell à l’extérieur. Dehors, il ne se laissait pas toucher, mais n’a démontré aucune résistance quand il a été pris en charge.
Le vétérinaire a évalué qu’on pouvait le soigner sans acharnement malgré des fractures, des dents pourries, de l’anémie, et de multiples plaies infectées. Après bien des complications et un retour à l’urgence, Russell a subi une dernière petite intervention à la mâchoire. La semaine dernière, Sigrid, qui était sa famille d’accueil, a choisi de le garder.
Et on ne parle pas des autres campagnes pour d’autres chats rescapés par le refuge (voir la page de gauche).
Une des dernières levées de fonds, au début janvier, a permis d’amasser plus de 3000 $ en six jours pour sauver Marguerite, trouvée en piteux état dans un sac à poubelle. On a déjà dû lui retirer un oeil et toutes ses dents.
Une bonne décision de donner pour des chats en cette période où Haïti crie famine et où des hommes et des femmes ont besoin de tout dans les conflits qui font rage en Ukraine et en Israël ?
« Plusieurs donateurs nous disent :
‘‘Les humains, bof, je préfère donner aux minous’’. Donner est un acte du coeur, peu importe la cause », répond Lise Côté.
DES CRITÈRES DIFFÉRENTS
Elle concède que les critères d’acharnement thérapeutique du
RSA diffèrent des autres refuges, mais ne se considère pas extrémiste.
« La grande question pour nous est : c’est quoi ses chances d’avoir une qualité de vie ? Si on pense qu’il va avoir besoin de soins jusqu’à la fin de ses jours, on arrête. Sinon, je vais voir le responsable des finances pour savoir si on peut se le permettre », explique-t-elle.
Le refuge s’est d’ailleurs résigné à euthanasier une quinzaine de chats cette année.