Les rescapés ont vécu « l’enfer »
L’enquête de la coroner sur le décès de deux pompiers qui ont porté secours à un couple s’est ouverte hier
LA MALBAIE | Encore fortement peinés et ébranlés, les deux citoyens dont le sauvetage a coûté la vie à deux pompiers à Saint-urbain ont raconté, à l’ouverture de l’enquête publique de la coroner, hier, « l’enfer » qu’ils ont vécu ce jour-là.
« Ça montait à vue d’oeil, c’était fou. Je n’avais jamais vu ça », a relaté Linda Simard, dans un témoignage fort émotif. « On a vécu l’enfer ».
Son conjoint, Yvan Lavoie, et elle avaient emménagé dans un chalet rénové au bord de la rivière, sur le rang Saintgeorges, qui devait être leur petit coin de paradis.
Bien qu’ils se savaient en zone inondable, rien ne laissait croire à un danger de crue aussi importante, selon leurs échanges avec les anciens propriétaires et leur propre connaissance du secteur, disent-ils.
IMPUISSANTS
Mais le 1er mai 2023, la situation a évolué rapidement et ils se sont retrouvés piégés au coeur du courant déchaîné au point de déraciner des arbres.
Et c’est en étant impuissants qu’ils ont vu, pendant de longues minutes, les deux pompiers à bord d’un véhicule amphibie de type Argo dériver vers le pont de la route 138 où ils sont disparus dans la rivière.
« [J]’étais en panique, je me disais : “tirez-leur une corde, faites de quoi, faites de quoi”, parce que je savais qu’ils s’en allaient, mais on se sentait impuissants », a témoigné Mme Simard.
Le couple, qui est manifestement toujours hanté par la tragédie, a finalement été rescapé par un hélicoptère de la Sûreté du Québec, quelques heures après.
« On était résignés à mourir. On était sûrs de partir », a mentionné la dame.
Selon elle, en aucun cas ils n’ont reçu d’ordre d’évacuation de la Municipalité bien qu’on se soit enquis de leur situation vers midi.
VIBRANT HOMMAGE
La coroner Andrée Kronström a amorcé son travail en début de journée, au palais de justice de La Malbaie.
Pendant 10 jours jusqu’à la mi-mai, une trentaine de témoins seront entendus pour faire la lumière sur le décès tragique de Christopher Lavoie, 23 ans, et Régis Lavoie, 55 ans.
Le début des audiences a également été l’occasion pour Marylou Lavoie de rendre un vibrant hommage à son père, Régis, un homme généreux, avenant et travaillant qui était entre autres agent de sécurité dans les hôpitaux, en plus d’être pompier volontaire depuis plus de 20 ans.
« C’était vraiment un grand homme. Il aurait tout fait pour tout le monde », a-t-elle exprimé.
APPELS D’URGENCE
L’avant-midi a été marqué par l’écoute d’appels faits aux services d’urgence par divers citoyens et intervenants qui ne laissent aucun doute sur la gravité de l’événementdanslesinstantssuivantlatragédie.
C’est le cas du directeur général de la municipalité de Saint-urbain, Martin Guérin, qui appelle le 911 dès qu’il apprend que deux pompiers sont tombés dans les eaux déchaînées de la rivière du Gouffre, à 13 h 52 le 1er mai 2023.
« J’ai deux pompiers qui étaient en intervention pour un sauvetage. L’embarcation a chaviré et les deux pompiers manquent à l’appel. [Ils] sont dans la rivière du Gouffre présentement et on n’est pas capables de les localiser », l’entend-on dire, alors qu’il est en conversation avec une répartitrice du service incendie de Baie-saint-paul.
J’ai eu de la peine parce qu’on a demandé de l’aide et si j’avais su que ça prendrait une tournure semblable, bien je serais resté avec Linda [sa conjointe] et on se serait laissés dériver avec la maison. Je [ne] pensais jamais que deux pompiers allaient mourir en venant nous aider. »
– Yvan Lavoie, un des citoyens rescapés
Moi, ce qui m’habite et ce qui va habiter tout le monde ici, c’est la quête de vérité. Il y a des choses qui se sont dites. Est-ce que c’était vrai ? Là, on met ça de côté et on va entendre les témoins qui vont venir sous serment et on va savoir saisir ce qui s’est réellement passé. »
– Andrée Kronström, coroner