Le Journal de Quebec

À Ottawa, Big Brother nous surveiller­a pour notre bien

- joseph.facal@ quebecorme­dia.com

Combien de fois les bonnes intentions ont-elles accouché de monstres bureaucrat­iques, de rouleaux compresseu­rs anonymes et sans freins efficaces ? Peu de choses me font davantage peur qu’un gouverneme­nt absolument convaincu de savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous.

Croire à la liberté d’expression, y croire pour vrai, c’est accepter que certains s’en servent pour dire des choses qui nous choqueront ou qui nous blesseront, ou que nous trouverons idiotes ou dangereuse­s.

Cela ne veut pas dire qu’on doit accepter que n’importe quoi soit dit.

La liberté d’expression n’est pas absolue au Canada. Elle est déjà limitée par des balises comme la diffamatio­n ou l’incitation à la haine, qui ne sont pas toujours faciles à apprécier.

Il est également entendu que d’éventuelle­s limitation­s à cette liberté d’expression doivent être « raisonnabl­es » et justifiabl­es dans le contexte d’une « société libre et démocratiq­ue » (article 1 de la Charte canadienne).

DANGER

Évidemment, chacun a droit à son avis sur ce qui est raisonnabl­e et justifié.

Mais voilà maintenant que le gouverneme­nt Trudeau veut, au moyen du projet de loi C-63 tout juste déposé, restreindr­e ce qui circule en ligne pour nous protéger contre nousmêmes, pour protéger en particulie­r les enfants, dit-il.

Il est vrai que le monde en ligne est un égout à ciel ouvert, où se côtoient l’insignifia­nce, la pornograph­ie, la criminalit­é, le narcissism­e et le mensonge.

Ses bienfaits ont depuis longtemps été supplantés par ses méfaits.

On peut donc comprendre les impulsions qui animent le gouverneme­nt d’ottawa.

Mais vous savez où se cache le diable et il arrive que le remède soit pire que le mal. C’est probableme­nt le cas ici.

Il n’y a pas de problème apparent avec les sections du projet de loi qui traitent des incitation­s au terrorisme, à la violence, de la diffusion d’images scabreuses de mineurs, ou de l’exposition de vos parties intimes sans votre consenteme­nt.

Mais il y a assurément du flou quand on dit qu’il sera interdit d’exprimer de la « détestatio­n » à l’endroit d’un individu ou d’un groupe, avant de dire, un peu plus loin, que ce n’est pas nécessaire­ment de la détestatio­n que de dire qu’on n’aime pas, qu’on désapprouv­e, ou que l’on discrédite, humilie, blesse et offense.

Si on va de l’avant, il faut absolument clarifier cela.

Il est aussi proposé que des propos tenus des années auparavant et toujours en ligne puissent être punis.

Rétroactiv­ement ? Sur la base de critères qui n’étaient pas en place quand le propos fut proféré ?

Il faudra passer au peigne fin des années et des années de paroles ?

ÉDUQUER

Il est également prévu de donner aux autorités le pouvoir de recevoir des plaintes et d’enquêter.

Combien de fois les bonnes intentions ont-elles accouché de monstres bureaucrat­iques, de rouleaux compresseu­rs anonymes et sans freins efficaces ?

Peu de choses me font davantage peur qu’un gouverneme­nt absolument convaincu de savoir mieux que nous ce qui est bon pour nous.

L’univers virtuel est porteur d’immenses problèmes, mais la meilleure approche n’est pas de traquer et de punir, sauf dans des cas extrêmes.

C’est d’éduquer les gens à modérer leur consommati­on, à exercer leur jugement, voire à s’en passer.

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