Le Journal de Quebec

Violence conjugale : le silence des hommes n’est plus une option

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La violence conjugale, dont le contrôle coercitif, atteint des sommets. Dans toutes ses formes. Psychologi­que. Verbale. Physique. Sexuelle. Financière. En Ontario, la classe politique en parle même en termes d’« épidémie ».

Le Québec en est déjà au neuvième féminicide cette année. Au Canada, en 2022, 184 femmes ont été tuées par des hommes. L’équivalent ahurissant d’une femme assassinée tous les deux jours.

Cela combiné à une pénurie grave de logements abordables, pour les femmes cherchant à quitter un conjoint violent, c’est le cauchemar absolu.

Résultat : des refuges et maisons pour femmes victimes de violence doivent refuser le gîte à de plus en plus d’entre elles lorsqu’elles frappent à leur porte.

La Presse rapporte que sur 16 327 appels, « SOS violence conjugale a été incapable de trouver une place d’urgence pour la moitié » d’entre elles. La moitié !

L’an dernier, « les 43 ressources membres du Regroupeme­nt des maisons pour femmes victimes de violence conjugale au Québec ont refusé 3300 femmes, faute de places ».

Dans une société aussi riche et soi-disant égalitaire que la nôtre, ces chiffres glacent le sang. Comment expliquer que des refuges aient à crier famine aux décideurs politiques pour leur financemen­t et la constructi­on de nouvelles places ?

France-élaine Duranceau, ministre de l’habitation, a dit trouver le coût « par porte » trop élevé. Une vie de femme, ça vaut combien au juste ?

LA QUESTION QUI TUE

Devant les demandes d’aide et d’hébergemen­t qui ne cessent de monter chez les femmes violentées, force est de poser la question qui tue.

Dans nos sociétés avancées et éduquées, comment se fait-il qu’autant d’hommes se sentent encore le « droit » de contrôler, frapper, violer ou même tuer leur conjointe ou ex-conjointe ? N’est-ce pas le vrai sujet dont il s’agit bel et bien ici ?

Puisqu’il faut le répéter, redisons-le : tous les hommes ne sont pas violents. C’est certain. Dans leur quasi-totalité, les gestes de violence conjugale, dont le féminicide, sont néanmoins posés par des hommes.

Alors, oui, que les gouverneme­nts débloquent les fonds nécessaire­s pour aider les refuges pour femmes victimes de violence. C’est le minimum vital, dans tous les sens de l’expression.

Mais attention. Affrontons aussi le véritable coeur du problème. Soit cette violence des hommes qui, dans nos sociétés, foisonne toujours.

PRENDRE SES RESPONSABI­LITÉS

Aucune femme ne « provoque » un homme violent. Sa violence, il en est l’unique responsabl­e. Chaque homme violent empoisonne la vie de sa conjointe ou ex-conjointe.

S’il ne l’assassine pas, il la tue quand même de l’intérieur en la privant de sa dignité, de sa confiance en soi, de sa liberté et de ses rêves. S’il la frappe ou la viole, il traite son corps comme un vulgaire déchet.

La violence conjugale n’est en effet possible que lorsqu’un homme déshumanis­e la femme devant lui, toutes origines et classes sociales confondues. Cette violence n’est jamais une histoire d’amour, mais de pouvoir.

Chez tout homme violent ou contrôlant, la déshumanis­ation de la femme est à l’origine même de ce qu’il se croit « autorisé » à lui faire. N’est-ce pas ce dont nous devrions parler plus ouvertemen­t ? Ce que nous devons dénoncer ?

N’est-ce pas ce dont les hommes, y compris la majorité qui ne sont pas violents, devraient discuter et dénoncer tout aussi ouvertemen­t ? Entre eux et avec les femmes ? Privément et sur la place publique ?

Parce que les femmes en sont les victimes et non pas les responsabl­es, la violence conjugale ne peut être uniquement l’affaire des refuges et des organismes valeureux qui s’en occupent.

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Chaque homme violent empoisonne la vie de sa conjointe ou ex-conjointe. S’il ne l’assassine pas, il la tue quand même de l’intérieur.

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