Le Journal de Quebec

Au tour de l’ontario de lorgner les travailleu­rs de la constructi­on d’ici

La formation est payée par Québec, au bénéfice des autres provinces ?

- GABRIEL CÔTÉ

Un syndicat ontarien fait de la publicité aux abords d’un centre de formation profession­nelle à Gatineau pour inciter les travailleu­rs qui y apprennent leur métier sur le bras du Québec à prendre un emploi de l’autre côté de la rivière des Outaouais.

Depuis plusieurs semaines, les étudiants du centre de formation profession­nelle des Portages-de-l’outaouais peuvent contempler une annonce faisant la promotion d’une « variété de métiers tous sous le même syndicat en Ontario », sur l’abribus juste devant l’établissem­ent.

« La publicité fait partie d’une campagne de recrutemen­t de main-d’oeuvre pour l’ontario », a expliqué prosaïquem­ent un porte-parole de la section 527 du syndicat LIUNA. Très simple, elle affiche une panoplie de postes et détaille les généreux salaires qui y sont associés.

Or, plusieurs des métiers qui sont visés par la publicité de LIUNA font partie du programme de formations accélérées et payées lancé l’automne dernier par le gouverneme­nt Legault afin de recruter de 4000 à 5000 travailleu­rs dans le domaine de la constructi­on.

C’est le cas par exemple des soudeurs (« 54,62 $/h ») et des opérateurs d’équipement lourd (« 61,02 $/h »).

« AVANTAGEUX » D’ALLER EN ONTARIO

Les élèves inscrits dans l’un des programmes concernés par « l’offensive de formation en constructi­on » reçoivent une bourse de 750 $ par semaine pour apprendre leur métier, mais ils n’ont aucune obligation de travailler dans l’industrie de la constructi­on au Québec une fois qu’ils ont complété leur cours.

Rien ne les empêche donc de profiter des formations rémunérées, payées par les contribuab­les québécois, et d’aller ensuite travailler dans une autre province.

« Il y a des avantages pour un Québécois à traverser la rivière », souffle une source qui connaît bien les milieux de la constructi­on dans les deux provinces. « Les salaires sont similaires, mais en Ontario, les gars ne paient pas leurs assurances, il n’y a pas de déduction à la source, alors les chèques de paye sont plus gros. »

Mais aux yeux de l’associatio­n de la constructi­on du Québec (ACQ), cet argumentai­re n’est pas convaincan­t.

« Les fonds pension et les régimes d’assurances sont vraiment meilleurs ici. Et en cas d’accident de travail, c’est beaucoup plus difficile de leur côté de la clôture », plaide le responsabl­e des affaires publiques de L’ACQ, Guillaume Houle.

CHANT DES SIRÈNES

Outre la campagne de recrutemen­t qui a cours présenteme­nt en Ontario, le gouverneme­nt albertain vient de mettre en place un crédit d’impôt remboursab­le de 5000 $ pour attirer de son côté les ouvriers des autres provinces.

Néanmoins, le gouverneme­nt Legault ne craint pas que les travailleu­rs québécois soient séduits par le chant des sirènes.

La semaine dernière, le ministre du Travail, Jean Boulet, se disait « persuadé que la vaste majorité des étudiants des AEP se joindront aux chantiers de constructi­on au Québec », tout en convenant que « le risque zéro n’existe pas ».

Le ministre a également assuré que « du maillage et du recrutemen­t seront faits » par les entreprene­urs dans les centres de formation profession­nelle.

ET AU QUÉBEC ?

Voilà pour la défensive. Le Québec n’a toutefois pas de plan d’attaque précis pour attirer les ouvriers des autres provinces à venir s’engager sur les chantiers ici.

« Du côté de la fiscalité des entreprise­s, il n’y a pas de mesures fiscales qui, officielle­ment, visent à rendre le Québec attractif au niveau de l’emploi », a fait savoir un porte-parole du ministère des Finances dans un courriel au Journal. « Concernant les mesures aux particulie­rs, il n’y a pas non plus de mesures qui visent directemen­t à attirer les travailleu­rs des autres provinces canadienne­s. »

Le gouverneme­nt soutient néanmoins que des mesures sont en place pour attirer sur le marché de l’emploi les travailleu­rs expériment­és, les travailleu­rs étrangers et les nouveaux diplômés, comme le crédit d’impôt de prolongati­on de carrière et les crédits d’impôt pour nouveaux diplômés en région.

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PHOTO GABRIEL CÔTÉ L’abribus situé tout près d’un centre de formation profession­nelle de Gatineau fait la promotion d’emplois en constructi­on bien rémunérés en Ontario.

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