Au tour de l’ontario de lorgner les travailleurs de la construction d’ici
La formation est payée par Québec, au bénéfice des autres provinces ?
Un syndicat ontarien fait de la publicité aux abords d’un centre de formation professionnelle à Gatineau pour inciter les travailleurs qui y apprennent leur métier sur le bras du Québec à prendre un emploi de l’autre côté de la rivière des Outaouais.
Depuis plusieurs semaines, les étudiants du centre de formation professionnelle des Portages-de-l’outaouais peuvent contempler une annonce faisant la promotion d’une « variété de métiers tous sous le même syndicat en Ontario », sur l’abribus juste devant l’établissement.
« La publicité fait partie d’une campagne de recrutement de main-d’oeuvre pour l’ontario », a expliqué prosaïquement un porte-parole de la section 527 du syndicat LIUNA. Très simple, elle affiche une panoplie de postes et détaille les généreux salaires qui y sont associés.
Or, plusieurs des métiers qui sont visés par la publicité de LIUNA font partie du programme de formations accélérées et payées lancé l’automne dernier par le gouvernement Legault afin de recruter de 4000 à 5000 travailleurs dans le domaine de la construction.
C’est le cas par exemple des soudeurs (« 54,62 $/h ») et des opérateurs d’équipement lourd (« 61,02 $/h »).
« AVANTAGEUX » D’ALLER EN ONTARIO
Les élèves inscrits dans l’un des programmes concernés par « l’offensive de formation en construction » reçoivent une bourse de 750 $ par semaine pour apprendre leur métier, mais ils n’ont aucune obligation de travailler dans l’industrie de la construction au Québec une fois qu’ils ont complété leur cours.
Rien ne les empêche donc de profiter des formations rémunérées, payées par les contribuables québécois, et d’aller ensuite travailler dans une autre province.
« Il y a des avantages pour un Québécois à traverser la rivière », souffle une source qui connaît bien les milieux de la construction dans les deux provinces. « Les salaires sont similaires, mais en Ontario, les gars ne paient pas leurs assurances, il n’y a pas de déduction à la source, alors les chèques de paye sont plus gros. »
Mais aux yeux de l’association de la construction du Québec (ACQ), cet argumentaire n’est pas convaincant.
« Les fonds pension et les régimes d’assurances sont vraiment meilleurs ici. Et en cas d’accident de travail, c’est beaucoup plus difficile de leur côté de la clôture », plaide le responsable des affaires publiques de L’ACQ, Guillaume Houle.
CHANT DES SIRÈNES
Outre la campagne de recrutement qui a cours présentement en Ontario, le gouvernement albertain vient de mettre en place un crédit d’impôt remboursable de 5000 $ pour attirer de son côté les ouvriers des autres provinces.
Néanmoins, le gouvernement Legault ne craint pas que les travailleurs québécois soient séduits par le chant des sirènes.
La semaine dernière, le ministre du Travail, Jean Boulet, se disait « persuadé que la vaste majorité des étudiants des AEP se joindront aux chantiers de construction au Québec », tout en convenant que « le risque zéro n’existe pas ».
Le ministre a également assuré que « du maillage et du recrutement seront faits » par les entrepreneurs dans les centres de formation professionnelle.
ET AU QUÉBEC ?
Voilà pour la défensive. Le Québec n’a toutefois pas de plan d’attaque précis pour attirer les ouvriers des autres provinces à venir s’engager sur les chantiers ici.
« Du côté de la fiscalité des entreprises, il n’y a pas de mesures fiscales qui, officiellement, visent à rendre le Québec attractif au niveau de l’emploi », a fait savoir un porte-parole du ministère des Finances dans un courriel au Journal. « Concernant les mesures aux particuliers, il n’y a pas non plus de mesures qui visent directement à attirer les travailleurs des autres provinces canadiennes. »
Le gouvernement soutient néanmoins que des mesures sont en place pour attirer sur le marché de l’emploi les travailleurs expérimentés, les travailleurs étrangers et les nouveaux diplômés, comme le crédit d’impôt de prolongation de carrière et les crédits d’impôt pour nouveaux diplômés en région.