Le Journal de Quebec

Son mari est mort dans l’indignité

Le cadavre de l’homme de sa vie baignait dans ses excréments à l’hôpital Royal Victoria

- HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T

Une infirmière de 49 ans dénonce le manque de dignité après le décès subit de son mari à l’hôpital Royal Victoria l’an dernier, que la famille a vu nu et gisant dans ses excréments puisqu’aucun employé n’avait nettoyé la dépouille ni trouvé de salle adéquate pour qu’ils se recueillen­t.

« Il n’y a pas eu de tendresse, de respect pour le corps de mon mari, confie Isabelle Granito. C’est épouvantab­le. C’est un manque profond d’humanisme. »

Un an après le décès subit de Jacques Richard, 52 ans, sa veuve qui est infirmière dans une urgence de la Rive-nord de Montréal ne décolère pas.

« Ils ne m’ont pas porté assistance du tout ! s’insurge la résidente de Saint-jérôme qui a 26 ans d’expérience. C’était un cauchemar. »

« Jamais dans ma carrière je n’aurais laissé un mort comme ça », insiste-t-elle.

Ingénieur de profession, M. Richard s’est effondré peu après minuit, le 8 janvier 2023, lors d’une soirée à Montréal.

Transporté à l’hôpital Royal Victoria, l’homme avait fait un infarctus.

Les procédures de réanimatio­n n’ont pas pu le sauver.

Sur place, ses proches l’ont vu pour la dernière fois dans la salle de réanimatio­n, nu (sa jaquette avait été enlevée) dans ses excréments et ses vomissures et encore intubé, énumère Isabelle Granito.

Le sol de la pièce était aussi jonché de déchets.

DES INFIRMIÈRE­S D’AGENCES

« Jamais ils ne nous ont offert une salle pour qu’on puisse se recueillir […] une fois le corps propre », jure-t-elle, ajoutant qu’elle a demandé une salle et de l’aide.

« Ils m’ont dit : “Il n’y a personne en charge cette nuit, on est toutes des [infirmière­s d’]agences” », relate la veuve, qui s’est fait dire que toutes les salles étaient occupées.

Avec l’aide d’une préposée qu’elle qualifie de « brusque », Mme Granito dit avoir nettoyé son mari elle-même.

Par la suite, la femme de 49 ans déplore avoir été pressée par des employés, qui voulaient déplacer la dépouille rapidement pour un don de tissus.

UN DÉGOÛT DE SA PROFESSION

Un an après le drame, Mme Granito a fait une dépression et dit vivre avec un choc post-traumatiqu­e.

Elle ne sait pas quand elle pourra retourner travailler.

« Je ne suis même plus capable de rentrer dans une salle d’urgence, avoue-t-elle. Ce n’est pas une question de volonté. C’est un dégoût face à ma carrière, ma profession, face à ce qui s’est passé. »

Elle compte déposer une plainte et entamer une poursuite judiciaire contre le Centre universita­ire de santé Mcgill (CUSM).

Ce dernier a refusé de commenter ce cas précis, mais a répondu par courriel que normalemen­t, après la tentative de réanimatio­n, « le corps est lavé, recouvert d’un drap et placé dans une salle dédiée aux familles, afin que la famille puisse passer un peu de temps avec l’être cher. »

Le CUSM ajoute qu’il peut arriver à l’occasion que des gens se retrouvent face à un patient qui n’a pas encore été nettoyé, mais qu’ils sont ensuite priés de sortir pour le nettoyage.

« Il n’y a rien là-dedans qui a été respecté, jure Mme Granito. Ça ne peut pas rester sous silence. »

« IL N’Y A PAS EU DE TENDRESSE, DE RESPECT POUR LE CORPS DE MON MARI. C’EST ÉPOUVANTAB­LE. C’EST UN MANQUE PROFOND D’HUMANISME. »

– Isabelle Granito, veuve

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PHOTO HÉLOÏSE ARCHAMBAUL­T Isabelle Granito tient dans ses mains une photo de son défunt mari, Jacques Richard, décédé en 2023 à l’hôpital Royal Victoria.

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