Les jeunes parlent anglais dans les écoles francos
En Ontario, les directions et les enseignants tentent d’encourager plutôt que de punir
SUDBURY, Ontario | C’est une réalité peu connue des Québécois, mais banale en Ontario : dans les couloirs des écoles francophones de la province, c’est surtout en anglais que ça se passe.
« Rendu au secondaire, tu vas te promener dans les corridors et tu vas avoir l’impression d’être dans une école anglophone, malheureusement », raconte Marc Gauthier, ancien directeur du Conseil scolaire public du Grand Nord.
« C’est vrai que lorsque tu vas circuler, tu vas entendre beaucoup plus d’anglais », nous prévient la directrice du Collège Notre-dame de Sudbury, Mélanie Leblanc.
Sur les murs des corridors de l’établissement se trouvent des affiches pour rappeler aux jeunes qu’à l’école, ils doivent parler « en français aux adultes » et avec leurs « ami(e)s ».
« Quand j’étais jeune, j’admets que je parlais anglais avec mes amis, de l’élémentaire au secondaire », dit l’enseignant d’histoire Marc Laferrière, qui a laissé entrer Le Journal dans sa classe tapissée de drapeaux vert et blanc, les couleurs des Franco-ontariens.
UNE BATAILLE QU’ON NE PEUT GAGNER
À ses débuts, il « réprimandait beaucoup » ses élèves lorsqu’ils se trompaient de langue.
« J’ai compris qu’on ne peut pas gagner cette bataille-là, lâche-t-il. Si le prof dit toujours de parler français et si on essaye de les forcer, ils vont juste se rebeller. »
Les administrations franco-ontariennes préfèrent aujourd’hui accompagner les adolescents et les encourager pour mieux les « sécuriser dans leur accent ».
« On ne veut pas que les jeunes soient pénalisés, explique Mme Leblanc. L’élève, lorsqu’il est émotif, a tendance à s’exprimer davantage en anglais. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils vont me demander la permission parce qu’ils cherchent leurs mots. »
De nombreux parents franco-ontariens, quoiqu’attachés à leurs origines francophones, abandonnent leurs responsabilités de transmettre leur héritage culturel et linguistique. Ils en laissent le soin aux écoles et même aux garderies qui deviennent trop souvent les seuls endroits où les jeunes vivent en français.
« C’est à un point tel que nos éducatrices nous demandent comment faire pour gérer ça », relate Stéphane Gauthier, directeur du Carrefour francophone, qui regroupe 11 centres de la petite enfance dans le grand Sudbury.
RESPONSABILISER LES PARENTS
Encore minoritaires il y a 10 ans, les enfants de couples « exogames » (mélangeant francophone et anglophone) sont aujourd’hui majoritaires dans les centres de garde du réseau, ce qui a un impact considérable sur la dynamique linguistique, poursuit M. Gauthier.
Le phénomène est tel qu’il songe aujourd’hui à imposer, sinon des quotas, des tests d’admission aux centres de garde du réseau et une « politique d’engagement et de transmission » afin de forcer les parents à prendre leurs responsabilités pour la sauvegarde de leur culture.