Le Journal de Quebec

Les jeunes parlent anglais dans les écoles francos

En Ontario, les directions et les enseignant­s tentent d’encourager plutôt que de punir

- RAPHAËL PIRRO

SUDBURY, Ontario | C’est une réalité peu connue des Québécois, mais banale en Ontario : dans les couloirs des écoles francophon­es de la province, c’est surtout en anglais que ça se passe.

« Rendu au secondaire, tu vas te promener dans les corridors et tu vas avoir l’impression d’être dans une école anglophone, malheureus­ement », raconte Marc Gauthier, ancien directeur du Conseil scolaire public du Grand Nord.

« C’est vrai que lorsque tu vas circuler, tu vas entendre beaucoup plus d’anglais », nous prévient la directrice du Collège Notre-dame de Sudbury, Mélanie Leblanc.

Sur les murs des corridors de l’établissem­ent se trouvent des affiches pour rappeler aux jeunes qu’à l’école, ils doivent parler « en français aux adultes » et avec leurs « ami(e)s ».

« Quand j’étais jeune, j’admets que je parlais anglais avec mes amis, de l’élémentair­e au secondaire », dit l’enseignant d’histoire Marc Laferrière, qui a laissé entrer Le Journal dans sa classe tapissée de drapeaux vert et blanc, les couleurs des Franco-ontariens.

UNE BATAILLE QU’ON NE PEUT GAGNER

À ses débuts, il « réprimanda­it beaucoup » ses élèves lorsqu’ils se trompaient de langue.

« J’ai compris qu’on ne peut pas gagner cette bataille-là, lâche-t-il. Si le prof dit toujours de parler français et si on essaye de les forcer, ils vont juste se rebeller. »

Les administra­tions franco-ontarienne­s préfèrent aujourd’hui accompagne­r les adolescent­s et les encourager pour mieux les « sécuriser dans leur accent ».

« On ne veut pas que les jeunes soient pénalisés, explique Mme Leblanc. L’élève, lorsqu’il est émotif, a tendance à s’exprimer davantage en anglais. Ce qui est intéressan­t, c’est qu’ils vont me demander la permission parce qu’ils cherchent leurs mots. »

De nombreux parents franco-ontariens, quoiqu’attachés à leurs origines francophon­es, abandonnen­t leurs responsabi­lités de transmettr­e leur héritage culturel et linguistiq­ue. Ils en laissent le soin aux écoles et même aux garderies qui deviennent trop souvent les seuls endroits où les jeunes vivent en français.

« C’est à un point tel que nos éducatrice­s nous demandent comment faire pour gérer ça », relate Stéphane Gauthier, directeur du Carrefour francophon­e, qui regroupe 11 centres de la petite enfance dans le grand Sudbury.

RESPONSABI­LISER LES PARENTS

Encore minoritair­es il y a 10 ans, les enfants de couples « exogames » (mélangeant francophon­e et anglophone) sont aujourd’hui majoritair­es dans les centres de garde du réseau, ce qui a un impact considérab­le sur la dynamique linguistiq­ue, poursuit M. Gauthier.

Le phénomène est tel qu’il songe aujourd’hui à imposer, sinon des quotas, des tests d’admission aux centres de garde du réseau et une « politique d’engagement et de transmissi­on » afin de forcer les parents à prendre leurs responsabi­lités pour la sauvegarde de leur culture.

 ?? PHOTOS, RAPHAËL PIRRO ?? Marc Laferrière, enseignant d’histoire au Collège Notre-dame de Sudbury, a changé son approche pour inciter les jeunes à parler français plus souvent entre eux. En mortaise, une affiche qui rappelle aux élèves pour les inciter à parler en français à l’école.
PHOTOS, RAPHAËL PIRRO Marc Laferrière, enseignant d’histoire au Collège Notre-dame de Sudbury, a changé son approche pour inciter les jeunes à parler français plus souvent entre eux. En mortaise, une affiche qui rappelle aux élèves pour les inciter à parler en français à l’école.

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