Les anglophones remplissent les écoles francophones
SUDBURY, Ontario | L’assimilation à outrance des jeunes Franco-ontariens trouve une de ses sources dans l’admission, au sein des écoles françaises, d’un grand nombre d’élèves qui peinent à lire, écrire, parler ou même comprendre la langue de Molière.
Pas moins de 268 250 jeunes peuvent étudier en français en Ontario, en vertu de la langue maternelle ou du cheminement scolaire d’un de leurs parents, même s’ils ne parlent que l’anglais à la maison. On les appelle les « ayants droit ».
Marc Gauthier, ancien directeur du Conseil scolaire public du Grand Nord de l’ontario, reconnaît que cette pratique est une arme à double tranchant.
« Oui, il y a une assimilation des francophones, sauf que si tu commences à fermer les écoles où il y a trop d’anglophones, tu ne pourras pas servir tes francophones, dit-il. Qu’est-ce que tu fais ? Tu gardes ton école ouverte pour t’assurer qu’il y a des francophones ? Ou tu fermes et les enfants vont à l’école en anglais ? C’est toute une bataille. »
RECOURS JUDICIAIRE
La situation inquiète à ce point que Basile Dorion a lancé un recours judiciaire contre les conseils scolaires.
« On s’attend à ce que l’école leur montre comment parler français. Ce qui arrive, c’est qu’on voit des enfants francophones qui arrivent à l’école française, puis qui tout à coup se retrouvent dans une mer d’anglophones », relate le résident de Lafontaine, à 160 km au nord de Toronto, dans la baie Georgienne.
La procédure de M. Dorion qui était épaulée en catimini par l’ex-juge de la Cour suprême, Michel Bastarache, aussi connu pour avoir présidé une commission d’enquête sur la nomination des juges au Québec, est tombée à l’eau et n’a pas trouvé de successeur.
« Si la situation continue à se dégrader et […] que des enfants qui avaient accès à un lieu de vie français dans une école ne l’ont plus, c’est qu’ils sont privés de leurs droits. Et pour ça, tu te tournes vers les tribunaux », croit Stéphane Gauthier, directeur général du Carrefour francophone, à Sudbury, qui ne serait pas surpris de voir d’autres poursuites.
UN PETIT-FILS QUI NE COMPREND PAS
M. Dorion serait heureux de passer le flambeau. Pessimiste, il constate toutefois l’érosion de sa langue.
« Ça fait mal au coeur quand ton petitfils ne comprend pas ce que tu lui dis. […] Pour quelqu’un comme moi, un fier Canadien français de l’ontario, c’est difficile », dit l’homme de 75 ans.
À Lafontaine, où il a grandi, sur une trentaine de familles, une seule parlait en anglais à la maison à l’époque, dit-il.
« Aujourd’hui, c’est complètement l’inverse. Si tu prends les 30 mêmes maisons, il en reste peut-être trois qui parlent notre langue », dénonce M. Dorion.