Le Journal de Quebec

Faire partie de la classe moyenne, un but de plus en plus difficile à atteindre

Un ménage d’ici doit désormais avoir des revenus d’environ 100 000 $ pour appartenir à cette classe sociale

- GABRIEL CÔTÉ

De jeunes familles nourrissen­t un sentiment mêlé d’amertume et d’injustice devant la difficulté grandissan­te d’accéder à la classe moyenne, alors qu’il leur faut désormais gagner autour de 100 000 $ par année pour y parvenir.

« Non, non, non, on ne gagne pas ça... » souffle Eliott Laforce-voyer, un jeune père de famille de Limoilou, en jetant un regard en direction de sa fille, la petite Hilda.

« Ce n’est pas inaccessib­le, mais je ne crois pas qu’on va se rendre là bientôt. »

Selon les calculs de l’observatoi­re québécois des inégalités (OQI), un ménage à Québec doit avoir des revenus annuels d’au moins 103 900 $, après impôts et transferts, pour faire officielle­ment partie de la classe moyenne.

À Montréal, le seuil est juste un peu plus bas, à 94 700 $.

« Ces chiffres correspond­ent à 75 % du revenu médian dans ces deux villes, explique Geoffroy Boucher, économiste à L’OQI. C’est important de prendre en compte les revenus du ménage et non les revenus individuel­s, parce que les gens qui habitent ensemble ont tendance à partager leurs ressources. »

Gagner ces sommes à deux n’est certes pas mission impossible, mais les aléas de la vie peuvent facilement faire rater la cible, constate la petite famille limouloise, dont les revenus tournent autour de 90 000 $ par année.

« Eliott a un bon salaire, mais moi, je gagne un peu moins, car j’ai des limitation­s à l’emploi », explique Marie-michelle Corneau, la conjointe de M. Laforce-voyer, en confiant que les allocation­s gouverneme­ntales pour les familles sont d’une grande aide dans leur cas.

SACRIFICES

Ne pas faire « officielle­ment » partie de la classe moyenne n’est pas qu’une façon de parler, et force est d’admettre qu’avoir 10 000 $ de moins chaque année affecte la vie au quotidien.

« On ne s’en sort pas mal », précise celui qui travaille en restaurati­on. « Mais ça vient au prix d’un horaire de travail atypique, beaucoup de soirs et de fins de semaine. Et on chasse les rabais à l’épicerie, on ne fait aucun projet de voyage, puis avec nos revenus, acheter une maison, tu oublies ça. »

Même en faisant tous ces sacrifices, Eliott et Marie-michelle peinent à mettre des sous de côté.

« C’est un peu frustrant. Je gagne deux fois le salaire que mes parents ont eu toute leur vie, mais toutes mes payes passent dans le loyer [1625 $ par mois] et l’épicerie », lâche Eliott.

Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls dans cette situation, alors que moins d’un tiers des Québécois (27 %) parvient à mettre de l’argent de côté chaque mois, selon un sondage de H&R Block publié plus tôt ce mois-ci.

Indifféren­te aux propos de ses parents, la petite Hilda s’amuse à se dresser sur ses jambes, et à se laisser retomber sur les genoux de sa mère.

« Elle ne marche pas encore », rigole Eliott, qui se fait aussitôt rabrouer par sa blonde.

« Laisse-lui le temps, elle va être capable. »

« C’EST UN PEU FRUSTRANT. JE GAGNE DEUX FOIS LE SALAIRE QUE MES PARENTS ONT EU TOUTE LEUR VIE, MAIS TOUTES MES PAYES PASSENT DANS LE LOYER [1625 $ PAR MOIS] ET L’ÉPICERIE » – Eliott Laforce-voyer, père de famille de Limoilou

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PHOTO GABRIEL CÔTÉ nale n’a pas des revenus suffisants pour faire partie de la classe moyenne, si l’on se fie aux critères de L’OCDE.
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PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’OQI Geoffroy Boucher, économiste à l’observatoi­re québécois des inégalités (OQI).

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