ALAIN GIRARD, HÔTELIER DANS L’ÂME
Chez Alain Girard, l’hôtellerie est devenue une affaire de famille il y a longtemps. Après avoir pris la relève de son père, il a passé le relais à ses filles, auprès de qui il continue d’agir comme mentor.
Pendant de nombreuses années, Alain Girard a assumé les fonctions de président et directeur général de l’hôtel Château Laurier Québec.
Il avait repris l’établissement de la Grande Allée de son père Robert, en compagnie de ses frères et soeurs.
En 2016, il a senti qu’il était mûr pour une semi-retraite, et sa fille, Aude Lafrance-girard, a pris la relève avec sa soeur Corinne.
Il demeure président du conseil d’administration de Cogirès, groupe fondé par son père en 1975, et qui réunit ses différentes entreprises telles que le service de banque et traiteur George V, l’hôtel Château Bellevue et la boulangerie-pâtisserie Le Croquembouche.
« La plus grande fierté de ma carrière en hôtellerie, c’est d’avoir gardé le lien avec mes frères et soeurs, car la famille, c’est ça qui est le plus important au bout du compte », dit celui qui regarde aussi avec beaucoup de fierté sa relève à l’oeuvre, ses filles Aude et Corinne.
DE LA FORESTERIE À L’HÔTELLERIE
La famille Girard est originaire du Lac-saint-jean, où le père, Robert, était entrepreneur forestier.
« Je pense que ç’a été, de ce qu’il m’a raconté, le plus jeune entrepreneur forestier du Saguenay–lacsaint-jean. Il avait 18 ans, il avait son entreprise et faisait “de la pitoune” », raconte-t-il en référence aux billots de bois qu’on envoyait sur les cours d’eau lors de la drave.
Natif de Saint-françois-de-sales, Robert Girard avait la fibre entrepreneuriale et la conservera toujours.
Avec son frère Laurent, il possédait aussi un moulin de bois franc à Roberval, qui a fini par faire une faillite commerciale.
L’entreprise forestière avait évolué, dans un marché dominé par des géants qui laissaient peu de chance aux plus petits joueurs.
« Il a décidé que c’était terminé, se souvient-il. Il nous a annoncé qu’il faisait son cours de secondaire par correspondance. »
Son père voulait devenir agent d’immeuble. En 1969, il a annoncé à ses enfants que la famille déménageait à Québec.
Aîné de la famille de six, Alain avait 14 ans à l’époque, et son plus jeune frère en avait 4.
Ils se sont installés dans Limoilou, où ils ont eu le choc de leur vie lorsque leur père, pour blaguer, les a emmenés voir leur nouvelle maison en passant par la ruelle un peu délabrée.
Mais la vie a été bonne, car son père a trouvé un créneau où s’épanouir : le courtage immobilier dans les domaines de l’hôtellerie et la restauration, encore très peu investi à l’époque. « Il s’est dit : voilà mon marché », relate Alain Girard.
Il a transigé plus de 120 établissements à Québec et en région. Puis, un jour, L’hôtel Château Laurier est arrivé dans le lot.
L’institution, qui existait depuis 1948, appartenait à la famille Drapeau, qui l’avait acquise de Lucien Plamondon.
« Ce qu’il m’a dit, c’est qu’il avait eu le choix entre le Clarendon et le Château Laurier, et qu’il avait choisi ce dernier, à cause de la proximité avec la colline Parlementaire. Il croyait qu’avec le temps, ce serait bon et durable. »
Il avait vu juste. Alain Girard se joint une première fois à son père, mais s’oriente plutôt pour devenir évaluateur et inspecteur en bâtiment.
Ses études se prolongent, mais il obtient finalement son diplôme.
C’est grâce à ce métier qu’il découvre les Îles-de-la-madeleine, pour lesquelles il a le coup de foudre.
Il oeuvrait pour une firme qui s’était vu confier le mandat d’effectuer le premier rôle d’évaluation municipal des Îles.
« On nous remboursait l’avion pour retourner à Québec toutes les trois semaines, mais moi je n’ai pas utilisé ce privilège une seule fois. Je suis resté du début mai à la fin octobre tellement j’avais apprécié l’endroit. Ç’a été le début d’une longue histoire d’amour. »
Il a aussi rencontré entre-temps celle qui allait devenir sa compagne de toujours et la mère de ses filles, Suzanne.
Coup de chance, elle aussi adorait les Îles-de-la-madeleine, où ils se sont rendus durant une trentaine d’années, chaque été, avant d’y acquérir une propriété.
AMOUR POUR LE QUÉBEC
En 1984, Alain Girard est retourné travailler avec son père en hôtellerie, mais cette fois, pour de bon.
« J’ai appris avec beaucoup d’encouragements, la tape dans le dos, mais pour apprendre, rapidement je me suis impliqué dans l’hôtellerie. »
Il a notamment siégé comme président de l’office du tourisme, et a été membre de plusieurs conseils d’administration.
Sous sa gouverne, l’hôtel, qui constitue l’un des rares établissements indépendants, est passé de 48 chambres à 278 chambres aujourd’hui.
Très attaché au Québec, à la culture et à la langue française, Alain Girard a décidé d’en faire la marque distinctive de son établissement.
L’hôtel Château Laurier est ainsi devenu, il y a plusieurs années, le premier établissement avec le label francoresponsable en Amérique.
Si vous y passez, vous constaterez que l’accueil s’y effectue en français, vous entendrez de la musique francophone, et vous pourrez voir des oeuvres d’artistes québécois sur les murs, tant dans les halls que dans les chambres.
PASSER LE FLAMBEAU
Les belles valeurs de l’entreprise, Alain Girard s’est fait un devoir de les transmettre à ses filles, qu’il laisse cependant travailler à leur façon, avec leurs manières de faire.
Avec sa fille Aude, il discutera de cette transition entre générations lors d’une table ronde que j’anime aujourd’hui, lors du Congrès leadership au féminin organisé par la Chambre de commerce et d’industrie de Québec.
« Le secret là-dedans, confie-t-il, c’est de ne jamais rien imposer, de laisser le libre choix. Il ne faut pas forcer les gens, ça ne donne rien. Beaucoup d’entrepreneurs veulent faire du transfert d’entreprises, mais en restant accrochés à leurs méthodes. Ce n’est pas mon cas. »