Le Journal de Quebec

Le français rejeté au Québec même

- Mathieu Bock-Côté mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com

C’est apparemmen­t le mystère du jour : comment se fait-il que les élèves des écoles francophon­es préfèrent parler anglais entre eux, au point même de traiter souvent la langue française comme une langue qu’on leur impose de l’extérieur ?

Alors on se gratte la tête, on cherche des explicatio­ns compliquée­s.

On blâme la révolution numérique, la mondialisa­tion, la pop culture anglophone.

Ces facteurs contribuen­t évidemment à la situation.

Mais on ne les mentionne énergiquem­ent que parce qu’on refuse de regarder en face la réalité, qui heurte le politiquem­ent correct.

IMMIGRATIO­N

Je parle évidemment de la crise engendrée par l’immigratio­n massive.

Et je ne parle pas, à la manière de Bernard Drainville, de la crise entraînée par les vagues de demandeurs d’asile des dernières années, non plus que de la seule question de l’immigratio­n temporaire.

Je parle des seuils d’immigratio­n qu’on a imposés aux Québécois depuis le début des années 2000.

Nous sommes devant une dérive de 30 ans dont nous récoltons les fruits. Elle était visible depuis longtemps.

On le voit à Montréal, à Laval, à Vaudreuil-dorion, on le verra demain ailleurs.

Quand vous vous retrouvez dans une classe avec une majorité d’enfants ou d’adolescent­s issus de l’immigratio­n, quand dans cette classe, les Québécois francophon­es ne sont plus qu’une minorité, quand ils ne sont pas absents, quand leur seul représenta­nt est souvent l’enseignant, vous créez les conditions d’un effondreme­nt du français.

Car pour ces jeunes, le français n’est pas une langue identitair­e, mais une langue de communicat­ion.

Ils pourraient l’embrasser si elle était utile. Mais dans la société du

bonjour-hi, qui a fait du français une langue optionnell­e, elle ne l’est pas. Le français devient la langue des perdants.

Elle se présente alors comme une contrainte, profondéme­nt indésirée, une langue subie, au mieux tolérée. Mais tolérée, elle ne l’est plus. Car les rapports entre les groupes humains, quoi qu’en disent les candides, sont d’abord des rapports de force.

Et les Québécois francophon­es sont désormais en position de faiblesse. La vision du Québec héritée du temps de leur affirmatio­n collective est désormais regardée avec hostilité.

Dans leur prétention à former la culture de convergenc­e de la société québécoise, ils sont contestés, d’autant que l’échec de l’indépendan­ce a fragilisé les assises politiques de cette culture. Il arrive même qu’on leur dise qu’ils ne sont pas en droit d’imposer leur identité comme norme collective, car ils ont eux-mêmes volé leur pays aux Amérindien­s.

Cette aberration historique, on l’entend souvent.

MÉPRIS

L’intégratio­n culturelle est devenue impossible.

On se souvient de l’article de Jean-françois Lisée consacré à ce qu’il appelait l’identité anti-québécoise présente dans les écoles de Montréal. En fait, il s’agit d’un racisme anti-québécois, encouragé par le multicultu­ralisme canadien.

Évidemment, cette dynamique crée une tendance sociologiq­ue, et on trouve de plus en plus de Québécois francophon­es qui s’assimilent à cette nouvelle culture. C’est de l’intégratio­n inversée.

On appelle cela un peuple qui meurt. Et peut-être même, qui se laisse mourir.

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