Le français rejeté au Québec même
C’est apparemment le mystère du jour : comment se fait-il que les élèves des écoles francophones préfèrent parler anglais entre eux, au point même de traiter souvent la langue française comme une langue qu’on leur impose de l’extérieur ?
Alors on se gratte la tête, on cherche des explications compliquées.
On blâme la révolution numérique, la mondialisation, la pop culture anglophone.
Ces facteurs contribuent évidemment à la situation.
Mais on ne les mentionne énergiquement que parce qu’on refuse de regarder en face la réalité, qui heurte le politiquement correct.
IMMIGRATION
Je parle évidemment de la crise engendrée par l’immigration massive.
Et je ne parle pas, à la manière de Bernard Drainville, de la crise entraînée par les vagues de demandeurs d’asile des dernières années, non plus que de la seule question de l’immigration temporaire.
Je parle des seuils d’immigration qu’on a imposés aux Québécois depuis le début des années 2000.
Nous sommes devant une dérive de 30 ans dont nous récoltons les fruits. Elle était visible depuis longtemps.
On le voit à Montréal, à Laval, à Vaudreuil-dorion, on le verra demain ailleurs.
Quand vous vous retrouvez dans une classe avec une majorité d’enfants ou d’adolescents issus de l’immigration, quand dans cette classe, les Québécois francophones ne sont plus qu’une minorité, quand ils ne sont pas absents, quand leur seul représentant est souvent l’enseignant, vous créez les conditions d’un effondrement du français.
Car pour ces jeunes, le français n’est pas une langue identitaire, mais une langue de communication.
Ils pourraient l’embrasser si elle était utile. Mais dans la société du
bonjour-hi, qui a fait du français une langue optionnelle, elle ne l’est pas. Le français devient la langue des perdants.
Elle se présente alors comme une contrainte, profondément indésirée, une langue subie, au mieux tolérée. Mais tolérée, elle ne l’est plus. Car les rapports entre les groupes humains, quoi qu’en disent les candides, sont d’abord des rapports de force.
Et les Québécois francophones sont désormais en position de faiblesse. La vision du Québec héritée du temps de leur affirmation collective est désormais regardée avec hostilité.
Dans leur prétention à former la culture de convergence de la société québécoise, ils sont contestés, d’autant que l’échec de l’indépendance a fragilisé les assises politiques de cette culture. Il arrive même qu’on leur dise qu’ils ne sont pas en droit d’imposer leur identité comme norme collective, car ils ont eux-mêmes volé leur pays aux Amérindiens.
Cette aberration historique, on l’entend souvent.
MÉPRIS
L’intégration culturelle est devenue impossible.
On se souvient de l’article de Jean-françois Lisée consacré à ce qu’il appelait l’identité anti-québécoise présente dans les écoles de Montréal. En fait, il s’agit d’un racisme anti-québécois, encouragé par le multiculturalisme canadien.
Évidemment, cette dynamique crée une tendance sociologique, et on trouve de plus en plus de Québécois francophones qui s’assimilent à cette nouvelle culture. C’est de l’intégration inversée.
On appelle cela un peuple qui meurt. Et peut-être même, qui se laisse mourir.