Crise à QS : c’était écrit dans le ciel
Les analyses qu’on nous sert sur la crise en cours à Québec solidaire restent à la surface des choses.
Centralisation autour de Nadeau-dubois, boys’ club, souci de l’image, élus vs bénévoles, urbains vs régionaux, etc.
Tout cela est vrai, mais partiel.
HISTOIRE
On pourrait ajouter d’autres causes aux difficultés : étiquette souverainiste, mais base fédéraliste, volte-face sur la laïcité, allergie à l’identité québécoise, etc.
Vrai également, mais partiel aussi.
Je discutais avec un vieil ami, prof au cégep, qui a longtemps milité dans les groupes d’extrême gauche au Québec.
Notre amitié a survécu à nos désaccords d’antan.
Quand on a milité à l’extrême gauche, me disait-il, les déchirements actuels n’ont rien d’étonnant. Ce n’était qu’une question de temps.
Ces guerres intestines sont récurrentes, cycliques, inscrites dans les gènes de l’extrême gauche.
L’histoire de la gauche radicale commence en Europe il y a plus de 150 ans.
Dès le départ, même s’ils ne sont qu’une poignée, Marx ferraille contre les impurs qui ne pensent pas comme lui.
En Russie, Lénine et son aile bolchevique radicale se battent contre les menchéviks de Martov, réformistes et étapistes, au sein du même parti.
Au même moment, en Allemagne, Eduard Bernstein, dans un livre demeuré célèbre, lance un pavé dans la mare : Marx s’est trompé, il faut plutôt des réformes graduelles. Tollé et conflit avec la faction pure et dure autour de Bebel et Kautsky.
Mêmes conflits entre jusqu’au-boutistes et pragmatiques, entre ceux qui refusent les compromis et ceux qui les jugent nécessaires pour obtenir des changements réels autour de
Mao, autour de Hô Chi Minh, autour de Fidel Castro, dans tous les mouvements d’extrême gauche, partout.
J’étais étudiant à L’UQAM au début
Quand vous lancez un mouvement en disant qu’« un autre monde est possible », qu’il faut « dépasser le capitalisme », « faire de la politique autrement », « rester fidèle aux rêves de jeunesse » et autres formules toutes faites, le ver est dans la pomme dès le départ.
des années 1980. Les communistes d’en Lutte ! se battaient contre les communistes du PCO, contre les communistes du PCCML, contre les trotskystes, etc.
Marcel Pépin, ex-chef de la CSN, tenta de rassembler tout ce monde et lança le Mouvement socialiste. Guerres idéologiques, divisions, échec complet.
En Amérique du Nord, au Canada, au Québec, il n’y a jamais eu de parti de gauche de masse, mais plutôt une longue série de querelles intestines et de fausses couches.
UTOPIE
Pourquoi ? En raison du fort coefficient d’utopie dans le cocktail de départ.
Quand vous lancez un mouvement en disant qu’« un autre monde est possible », qu’il faut « dépasser le capitalisme », « faire de la politique autrement », « rester fidèle aux rêves de jeunesse » et autres formules toutes faites, le ver est dans la pomme dès le départ.
Quand la barre est placée si haut, vous programmez les déceptions à venir, donc les divisions entre ceux qui voudront s’obstiner dans la voie de départ et ceux qui prôneront des ajustements.
On oublie trop souvent d’où vient QS : de la fusion entre le groupe de Françoise David issu de la Marche des femmes et trois micropartis marxistes.
Il n’y a qu’un monde. Et « dépasser le capitalisme » ? Mais pour aller où ?