Le Journal de Quebec

Les villes craignent pour leur autonomie

Les maires appréhende­nt que la nouvelle agence des transports leur impose des projets sans droit de regard

- STÉPHANIE MARTIN

DRUMMONDVI­LLE | Le maire de Québec « reste à convaincre » de la vision de la ministre des Transports, et ses homologues des grandes villes s’inquiètent que la nouvelle agence de Geneviève Guilbault leur impose des projets sur leur propre territoire.

« Je reste à convaincre. La suite des choses nous permettra peutêtre de regagner cette confiance », a exprimé Bruno Marchand, hier, au terme d’un avant-midi consacré avec les grandes villes à la question du transport collectif et lors duquel la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, leur a présenté l’agence Mobilité Infra Québec.

Devant 250 personnes réunies à Drummondvi­lle – des maires, des conseiller­s municipaux, des députés de tous les partis, des dirigeants de sociétés de transport –, son discours était très attendu.

PRÉOCCUPAT­IONS DES MAIRES

D’entrée de jeu, le président de l’union des municipali­tés du Québec (UMQ), Martin Damphousse, a établi que les maires avaient deux préoccupat­ions : le financemen­t et le maintien de l’autonomie municipale.

L’imposition de projets de transport en commun par l’agence pourrait empiéter sur la compétence des villes leur permettant d’organiser leur territoire, souligne-t-il.

« On ne peut pas descendre dans une ville et dire que parce qu’on est le gouverneme­nt du Québec : “Voici à Drummondvi­lle ce qu’on va faire, et la mairesse, ça n’a pas d’importance”. On va tout le temps être en train de se chicaner. On a envie d’être partenaire­s », a lancé Bruno Marchand.

« L’aménagemen­t du territoire, les municipali­tés, c’est notre responsabi­lité. C’est pas vrai que c’est une agence, de nouveaux employés qui seraient 50, qui vont nous dire : “Voici, on vous impose ce tracé-là” », a ajouté M. Damphousse.

PAS DE RÉPONSES CLAIRES

La ministre Guilbault dit avoir entendu les préoccupat­ions des municipali­tés, mais n’a pas répondu clairement à celles-ci.

Elle a reconnu que l’électrific­ation des flottes d’autobus selon les cibles fixées par le gouverneme­nt met une pression sur les finances des sociétés de transport et a laissé entendre qu’elle est « en train de réfléchir à quelque chose ».

« Comment on pourrait s’entendre sur un critère ou un modèle de projets de garage ? » s’est-elle interrogée sans préciser davantage.

Elle a aussi parlé d’une prévisibil­ité pour les deux prochaines années en matière financière.

Pour une vision qui fait avancer le Québec, il faut une planificat­ion à long terme, ont soumis les maires.

« Une vision, c’est comment on se projette plus que sur trois ans. Il faut que ce soit 5 ans, 10 ans, 30 ans », a soutenu Valérie Plante, mairesse de Montréal.

« Il faut aller plus loin. Il faut une vision qui nous amène en 2040 », a renchéri M. Marchand.

DES CRITIQUES DE L’OPPOSITION

Pour le critique des transports au Parti libéral du Québec, Monsef Derraji, la ministre « a pensé que L’UMQ s’inscrivait dans le cadre de sa tournée médiatique ».

Selon lui, elle n’a pas répondu aux inquiétude­s des maires sur l’empiétemen­t sur leur autonomie et sur le financemen­t.

Le député solidaire de Taschereau, Etienne Grandmont, aime l’idée qu’une expertise pourra se déployer partout au Québec.

En contrepart­ie, il craint l’empiétemen­t sur les compétence­s des villes.

L’agence a la latitude de fixer le cadre financier et d’exiger la participat­ion des villes, s’inquiète-t-il.

Pour le député péquiste de JeanTalon, Pascal Paradis, il est « préoccupan­t » de constater que l’agence donnera des « commandes » politiques.

« [La municipali­té] va se faire imposer, pour avoir un projet, de contribuer à 15, 20, 30 % pour un projet. On n’a aucune idée. Je trouve ça très, très, très inquiétant. »

– Etienne Grandmont, député de Québec solidaire

« Elle a perdu son temps à monter une patente à gosses qui est l’agence, [dont] on va voir son efficacité, au lieu de trouver des moyens pour améliorer les revenus. »

– Monsef Derraji, député du Parti libéral du Québec

« Il y a un problème à la base parce que les besoins et la planificat­ion devraient être de concertati­on avec les municipali­tés. Est-ce qu’on est en train de reproduire ce qui s’est passé à Québec [avec le tramway qui a été retiré des mains de la Ville] pour des raisons politiques ? »

– Pascal Paradis, député du Parti Québécois

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PHOTOS STÉPHANIE MARTIN Le maire de Québec, Bruno Marchand, était accompagné des maires de l’union des municipali­tés du Québec, hier, lors de la présentati­on de l’agence Mobilité Infra Québec par la ministre Geneviève Guilbault (ci-contre).
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