Les villes craignent pour leur autonomie
Les maires appréhendent que la nouvelle agence des transports leur impose des projets sans droit de regard
DRUMMONDVILLE | Le maire de Québec « reste à convaincre » de la vision de la ministre des Transports, et ses homologues des grandes villes s’inquiètent que la nouvelle agence de Geneviève Guilbault leur impose des projets sur leur propre territoire.
« Je reste à convaincre. La suite des choses nous permettra peutêtre de regagner cette confiance », a exprimé Bruno Marchand, hier, au terme d’un avant-midi consacré avec les grandes villes à la question du transport collectif et lors duquel la ministre des Transports et de la Mobilité durable, Geneviève Guilbault, leur a présenté l’agence Mobilité Infra Québec.
Devant 250 personnes réunies à Drummondville – des maires, des conseillers municipaux, des députés de tous les partis, des dirigeants de sociétés de transport –, son discours était très attendu.
PRÉOCCUPATIONS DES MAIRES
D’entrée de jeu, le président de l’union des municipalités du Québec (UMQ), Martin Damphousse, a établi que les maires avaient deux préoccupations : le financement et le maintien de l’autonomie municipale.
L’imposition de projets de transport en commun par l’agence pourrait empiéter sur la compétence des villes leur permettant d’organiser leur territoire, souligne-t-il.
« On ne peut pas descendre dans une ville et dire que parce qu’on est le gouvernement du Québec : “Voici à Drummondville ce qu’on va faire, et la mairesse, ça n’a pas d’importance”. On va tout le temps être en train de se chicaner. On a envie d’être partenaires », a lancé Bruno Marchand.
« L’aménagement du territoire, les municipalités, c’est notre responsabilité. C’est pas vrai que c’est une agence, de nouveaux employés qui seraient 50, qui vont nous dire : “Voici, on vous impose ce tracé-là” », a ajouté M. Damphousse.
PAS DE RÉPONSES CLAIRES
La ministre Guilbault dit avoir entendu les préoccupations des municipalités, mais n’a pas répondu clairement à celles-ci.
Elle a reconnu que l’électrification des flottes d’autobus selon les cibles fixées par le gouvernement met une pression sur les finances des sociétés de transport et a laissé entendre qu’elle est « en train de réfléchir à quelque chose ».
« Comment on pourrait s’entendre sur un critère ou un modèle de projets de garage ? » s’est-elle interrogée sans préciser davantage.
Elle a aussi parlé d’une prévisibilité pour les deux prochaines années en matière financière.
Pour une vision qui fait avancer le Québec, il faut une planification à long terme, ont soumis les maires.
« Une vision, c’est comment on se projette plus que sur trois ans. Il faut que ce soit 5 ans, 10 ans, 30 ans », a soutenu Valérie Plante, mairesse de Montréal.
« Il faut aller plus loin. Il faut une vision qui nous amène en 2040 », a renchéri M. Marchand.
DES CRITIQUES DE L’OPPOSITION
Pour le critique des transports au Parti libéral du Québec, Monsef Derraji, la ministre « a pensé que L’UMQ s’inscrivait dans le cadre de sa tournée médiatique ».
Selon lui, elle n’a pas répondu aux inquiétudes des maires sur l’empiétement sur leur autonomie et sur le financement.
Le député solidaire de Taschereau, Etienne Grandmont, aime l’idée qu’une expertise pourra se déployer partout au Québec.
En contrepartie, il craint l’empiétement sur les compétences des villes.
L’agence a la latitude de fixer le cadre financier et d’exiger la participation des villes, s’inquiète-t-il.
Pour le député péquiste de JeanTalon, Pascal Paradis, il est « préoccupant » de constater que l’agence donnera des « commandes » politiques.
« [La municipalité] va se faire imposer, pour avoir un projet, de contribuer à 15, 20, 30 % pour un projet. On n’a aucune idée. Je trouve ça très, très, très inquiétant. »
– Etienne Grandmont, député de Québec solidaire
« Elle a perdu son temps à monter une patente à gosses qui est l’agence, [dont] on va voir son efficacité, au lieu de trouver des moyens pour améliorer les revenus. »
– Monsef Derraji, député du Parti libéral du Québec
« Il y a un problème à la base parce que les besoins et la planification devraient être de concertation avec les municipalités. Est-ce qu’on est en train de reproduire ce qui s’est passé à Québec [avec le tramway qui a été retiré des mains de la Ville] pour des raisons politiques ? »
– Pascal Paradis, député du Parti Québécois