Le Journal de Quebec

Wacko, plein de marde ou barbares

- Chef du Bureau parlementa­ire à Ottawa guillaume.st-pierre2 @quebecorme­dia.com

OTTAWA | Ça ne vole pas haut par les temps qui courent au Parlement fédéral.

Entre les accusation­s de cinglé, de plein de marde et de barbare, tous les coups sont permis.

Nous observons en temps réel le pourrissem­ent de notre débat public.

La prochaine fois qu’un politicien a un mot ordurier sur le bout des lèvres, il devrait se rappeler que la classe politique est parmi les premières victimes du climat toxique actuel.

CLIMAT TENDU

Depuis des mois, Justin Trudeau ne révèle plus les détails de ses déplacemen­ts. La vice-première ministre non plus, depuis qu’elle s’est fait accoster dans un ascenseur en Alberta.

La sécurité des élus inquiète la GRC, qui leur a fourni des boutons de panique et des caméras de sécurité pour surveiller leurs résidences.

Le premier ministre se fait lancer des roches en pleine campagne électorale. Il doit annuler des événements partisans par crainte pour sa sécurité.

Sans compter les menaces de mort sur les réseaux sociaux qui n’épargnent à peu près aucun parti.

Depuis toujours, les Canadiens peuvent se vanter qu’il existe ici une proximité entre nos élus et la population. Ce lien privilégié s’étiole tranquille­ment, à la faveur d’un climat toxique hyperparti­san auquel les élus contribuen­t eux-mêmes.

RADICAL

Il semble que les politicien­s fédéraux ne sont plus que des adversaire­s politiques. Le clash des visions pour le Canada sert d’alibi pour les accusation­s les plus austères.

Quand Pierre Poilievre laisse entendre que Justin Trudeau est personnell­ement responsabl­e de victimes de la crise des opioïdes, il n’est plus possible de débattre sur le fond des choses.

Même principe quand Francis

Drouin traite de plein de marde des témoins en comité parlementa­ire avec qui il n’est pas d’accord.

Quand Yves-françois Blanchet qualifie les conservate­urs pro-vie de « horde de barbares », ils n’ont pas seulement tort, mais ils deviennent des ennemis.

Certains diront que les engueulade­s en politique ne datent pas d’hier. Il y a de nombreux exemples de crise de colère à travers les décennies.

Mais il faut être aveugle pour ne pas voir dans le contexte actuel une normalisat­ion de l’enflure verbale et de la division à l’extrême.

Le radical, ce n’est pas moi, c’est l’autre, se disent-ils pour justifier de porter des coups toujours plus bas.

IMPOPULAIR­ES

Pendant longtemps, les médias traditionn­els de masse ont servi de lieu d’échange privilégié de perspectiv­es et de points de vue.

Un espace en déclin remplacé par les réseaux sociaux qui nous enferment dans nos petites chapelles sous prétexte de nous offrir du « contenu personnali­sé ».

L’affronteme­nt de plus en plus clanique sur ces plateforme­s entre les partis vise surtout à amasser de l’argent auprès des plus fanatiques de leurs électeurs à grand coup d’indignatio­n soigneusem­ent mise en scène.

Ce n’est pas sans conséquenc­e, y compris sur les partis eux-mêmes.

Un sondage publié cette semaine par la firme Angus Reid est révélateur de la polarisati­on ambiante: la popularité des trois leaders des principaux partis fédéraux n’a jamais été aussi faible, au même moment, depuis les 50 dernières années.

Reste qu’insulter, monter en épingle, désinforme­r, traiter son adversaire comme un ennemi est payant. Trop payant, probableme­nt, pour arrêter.

Nous observons en temps réel le pourrissem­ent de notre débat public

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